Philippe Herreweghe : au cœur de l’énergie créatrice du génie mozartien

par

Wolfgang Amadeus MOZART
(1756-1791)
The last symphonies: 39, K.543 – 40, K.550 – 41, K.551 Jupiter
Orchestre des Champs-Elysées, dir.: Philippe HERREWEGHE
2013 – DDD – 2 CD – Total time 1h38’20 – Livret en anglais, français, allemand et néerlandais - PHI

Philippe Herreweghe nous propose une version des trois dernières symphonies de Mozart qui sont les plus célèbres parmi toute la production symphonique du compositeur. Herreweghe insuffle à l’orchestre des Champs-Elysées une énergie propre à chaque symphonie. La symphonie 39 débute par un Adagio solennel avec une réminiscence de Don Giovanni par les gammes ascendantes et descendantes des violons puis des violoncelles : un rappel du thème du désir, moteur de vie chez le héros mythique. Toute la symphonie, sous la baguette du chef, parvient à associer la grâce mozartienne à l’énergie du génie. Ainsi sonne le premier thème du premier mouvement avec une délicatesse innée jointe à une vigueur forte. Puis arrive le second mouvement où règne un sentiment de paix. Le troisième mouvement est un Menuet dont la partie centrale est un Ländler, cette danse populaire des contrées germaniques. Ici, les accents de clarinette, instrument maçonnique, apportent un charme exquis loin de l’aspect terrien de la danse originelle. La force du début anime le dernier mouvement aux modulations hardies partant et revenant d’un instrument à l’autre.
Sur le même disque succède la Symphonie n°40 en sol mineur, incontestablement la plus célèbre de toutes. Le thème du début est admirablement interprété. De nombreux sentiments s’y lisent, d’une violente détresse à une fiévreuse fébrilité en passant par une tension pathétique. Ce merveilleux traitement du premier thème ouvre la voie au développement, une lutte impitoyable où reviennent avec drame et fatalité les premières notes du thème suivies de mouvements contraires et de chromatismes. Le second mouvement, serein jusqu’à son développement où resurgit le rythme obsédant du sujet, sonne tel un tableau à la lumière voilée. Succède un troisième mouvement, loin de la grâce nonchalante des Menuets habituels de Mozart, qui apparaît ici avec une détermination farouche nous rappelant la tension inhérente de l’œuvre. Le quatrième mouvement clôture admirablement l’œuvre ne laissant surgir aucune trace d’espoir jusqu’à l’extrême fin de la coda. D’un bout à l’autre, le mouvement est parsemé d’une extraordinaire violence alliée à une liberté qui apporte cette puissante émotion, notamment lors du fugato haletant. Le second disque présente la Symphonie n°41 en ut majeur, dite Jupiter. Herreweghe y fait preuve de la même profondeur. Avec une vitalité vigoureuse, il joint le contrepoint et l’harmonie dans une perspective architecturale. Le rêve mélancolique du second mouvement laisse place à l’élégance du menuet (troisième mouvement) avant de terminer victorieusement par l’alliance de la limpidité du style harmonique de la forme sonate et de la rigueur du style fugué avec autant de brillance que de naturel.
Une interprétation fine et stylée, l’expression d’une valeur universelle, celle de la victoire humaine ou celle d’un homme qui parvient seul à dépasser son drame intime. Un écho à la fin de vie de Mozart où en pleine misère et conscient de son génie, il affirme son talent musical avec détermination et assurance face au monde entier.
Marie-Sophie Mosnier
Son 10 – Livret 8 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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