Piano romantique flamand : concerto chambriste et pages solistes, sur trois instruments d’époque
Au Clair de la Lune. Musique romantique flamande pour piano. Charles Louis Hanssens (1802-1871) : Concerto pour le piano forte [arrgmt pour sextuor]. Peter Benoit (1834-1901) : Barcarolle op. 2 no 2. Troisième Fantaisie op. 18. Quatrième fantasia op. 20. Jean Vanderheyden (1823-1889) : Caprice sur la romance flamande Roosje uit de dalen op. 4. Philippe Vanden Berghe (1822-1885) : Au clair de la lune, impromptu op. 17. Simple mélodie op. 29. Mazurka de salon op. 30. Pier-Lala, fantaisie pour piano sur un air populaire flamand du XVIIe siècle op. 24. Naruhiko Kawaguchi, pianoforte. Membres de l’Orchestre du XVIIIe siècle. Sophie Wedell, Franc Polman, violon. Yoshiko Morito, alto. Albert Brüggen, violoncelle. Maggie Urquhart, contrebasse. Octobre 2020, novembre 2021. Livret en anglais, flamand. TT 60’54. Et’Cetera KTC 1718
Gand, Bruxelles, Harelbeke, Anvers, Tongres, Schaerbeek, Menin : là commença ou s’arrêta la destinée des quatre compositeurs invités dans cette anthologie qui honore la Flandre romantique. Le récital emprunte son titre à un impromptu qui décline la mélodie de la célèbre comptine, et convie des pièces de salon (Mazurka de Vanden Berghe, Barcarolle de Benoit, sous influence mendelssohnienne) dont le raffinement galant s’illustre sur le tableau de Charles Mertens (1865-1919) reproduit sur la couverture.
Le programme ne se relègue pas dans une faloterie de camées, et sait s’ouvrir à des morceaux de virtuosité, comme l’héroïque Fantaisie op. 20 du même Benoit, dont l’opus 18 reste une des œuvres pour piano les mieux connues de ce répertoire flamand, ou comme le Caprice sur Roosje uit de dalen de Jean Vanderheyden, virtuose du clavier qui laissa quelques fantaisies sur des opéras ou des chansons populaires. Même source d’inspiration pour Vanden Berghe dans son Pier-Lala op. 24, ici joué dans sa version révisée que publia Breitkopf & Härtel.
Charles Louis Hanssens se distingua en tant que violoncelliste, chef d’orchestre, pionnier de l’introduction du répertoire wagnérien à La Monnaie, et compositeur (musique sacrée, de chambre, neuf symphonies). La structure tripartite (Allegro moderato, Adagio, Allegro non troppo) de son Concerto de 1839 relève plutôt d’un Konzertstück, tel qu’en écrivit Carl Maria von Weber. Ce CD a retenu l’arrangement de la main de l’auteur, qui prévoyait un commode accompagnement par sextuor à cordes -même si l’on observe que seuls cinq musiciens de l’Orchestre du XVIIIe siècle sont crédités dans le livret. La notice de Jan Dewilde, du Centre d’études voor Vlaamse Musiek, vous en apprendra bien davantage sur les œuvres et leur contexte.
Élève de Menno van Delft pour le clavicorde, de Kikuko Ogura et Richard Egarr pour le pianoforte, primé à plusieurs concours internationaux dont un second Prix ex aequo à la première édition du International Chopin Competition on Period Instruments (2018) : Naruhiko Kawaguchi est l’homme de la situation. L’artiste japonais emploie ici trois instruments d’époque (un Pleyel de 1829, un Erard de 1837, un Blüthner de 1867) captés dans une agréable et résonnante acoustique d’église : la Doopsgezinde kerk de Haarlem pour les pages solistes qui dans cet écrin scintillent comme du cristal ; la Waalse kerk d’Amsterdam pour le concerto qui se nimbe d’une réverbération et d’un coloris un brin psychédéliques.
En tout instant de ce florilège, les phrasés nets et élégants de Naruhiko Kawaguchi, son dessin rythmique affuté (même la Barcarolle articulée au cordeau ne cède pas aux étoles qui flottent), son jeu à la fois fier et sensible qui ne s’amollit jamais dans la préciosité, signent une interprétation aussi adéquate que remarquable de ces pièces qui enthousiasment –la plupart reçoivent ici leur tout premier enregistrement. La sonorité diaphane et chatoyante contribue pleinement à charmer l’écoute de cet album inattendu et bienvenu. À découvrir !
Son : 9,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 10
Christophe Steyne