Les débuts concertants épatants de Randall Goosby
Max Bruch (1838-1920) : Concerto pour violon n°1 en Sol mineur, Op.26 ; Florence B.Price (1887-1953) : Adoration (arrangement de Jim Gray), Concerto pour violon n°1 en Ré, Concerto pour violon n°2. Randall Goosby, violon ; Philadelphia Orchestra, Yannick Nézet-Séguin. 2022. LIvret en anglais, allemand et français. 73’50’’. Decca 485 4234.
Le jeune virtuose Randall Goosby effectue avec cet album ses débuts concertants. On ne présente plus ce jeune homme brillant et charismatique, protégé d'Itzhak Perlman, qui vole de succès en succès. Pour ce premier disque avec orchestre, il propose une association originale entre un tube du répertoire revisité et des découvertes passionnantes du patrimoine américain.
En matière de Concerto n°1 de Bruch, la discographie est bardée de références. Pourtant, Randall Goosby, trouve un ton juste porté par une musicalité contrôlée et anti-démonstrative. Si les premier et dernier mouvements séduisent par leur franchise directe portés par une technique impériale, le mouvement central atteint une plénitude par la beauté des nuances et la qualité du dialogue avec l’orchestre. On découvre à cette œuvre une portée rhapsodique que l’on ne lui connaissait pas ! La personnalité sonore est affirmée et le son témoigne d’une véritable beauté plastique des plus agréables. Il faut par ailleurs saluer la très haute qualité d’accompagnement de Yannick Nézet-Séguin qui porte le discours et les échanges avec une immense qualité d’écoute et un engagement sans faille.
On commence à mieux connaître l'œuvre de Florence B.Price dont Yannick Nézet-Seguin a gravé les Symphonies n°1 et n°3 pour DGG. En compagnie de Randall Goosby, il s’attaque aux deux concertos pour violon dont l’histoire de la redécouverte mérite d’être narrée. Ces deux partitions ont été retrouvées par hasard par un couple alors qu’ils rêvaient, en 2009, d'une ancienne maison de vacances. Il semble que la compositrice n’a jamais pu entendre ses partitions trouvées dans un lot de manuscrits : le Concerto n°1 n’a pas été joué de son vivant et le Concerto n°2 a été créé à titre posthume.
Le Concerto n°1, composé en 1939, est une œuvre un peu hybride mais personnelle. On entend des reminisces de Tchaïkovski mais avec une belle fraîcheur mélodique. On apprécie en particulier les tons et les climats du second mouvement parfumés par des airs à la fois simples et poétiques. L’orchestration porte avec délicatesse les mélodies qui renforcent le nuancier des couleurs. Le dernier mouvement virtuose, mais toujours finement évocateur, est également une autre grande réussite. Le Concerto n°2 qui propose un seul mouvement d’un peu moins d’un quart d’heure relativement court est d’une verve dansante et chantante. L’album se clôt avec la belle et recueillie Adoration dans un arrangement pour violon et orchestre.
Randall Goosby et Yannick Nézet-Séguin sont des interprètes parfaits par la vision d’ensemble qui cisèle ces partitions comme des diamants. La beauté sonore du violoniste de Randall Goosby est un atout pour rendre justice à ces partitions et Yannick Nézet-Séguin est là encore à l’écoute pour seconder le soliste. La qualité des pupitres et la sonorité légendaire du Philadelphia Orchestra sont taillées sur mesure pour ces œuvres. Si ce n'est pas le premier enregistrement de ces deux concertos, cette version s'impose d'emblée comme la grande référence.
Un disque épatant ! On avait pas entendu d’entrée en matière concertante et violonistique d'un tel niveau depuis l’enregistrement magistral Bruch / Mendelssohn de Maxim Vengerov et Kurt Masur (Teldec). C’est dire la qualité de cet album.
Son : 10 Notice : 9 Répertoire : 10 Interprétation : 10
Pierre-Jean Tribot