Ravel et la Grèce

par

0126_JOKERMaurice Ravel (1875-1937)
Daphnis et Chloé, Ballet en un acte de Michel Fokine
WDR Rundfunkchor Köln – Beethoven Orchester Bonn, dir.: Stefan Blunier
2014-DDD-58’36-Textes de présentation en englais, français et allemand-Musikproduktion Dabgringhaus ung Grimm-MDG 937 1863-6
« L’une des plus belles œuvres de la musique française ». Ces mots de Stravinsky, lui-même créateur de musique de ballet, nous paraissent les plus adéquats pour qualifier le ballet en un acte de Maurice Ravel. Michel Fokine (corédacteur de l’argument, L’oiseau de feu, Petrouchka, Le Coq d’or…) en signe la chorégraphie, tandis que les décors et costumes sortent de l’imaginaire de Léon Bakst (La Valse, Le Spectre de la rose, L’Après-midi d’un faune, Schéhérazade, L’Oiseau de feu…). Citons Ravel dans un extrait de l’Esquisse biographique dictée à Roland-Manuel : « Daphnis et Chloé, symphonie chorégraphique en trois parties, me fut commandé par le directeur de la compagnie des Ballets russes, M. Serge de Diaghilev. L’argument en est de Michel Fokine, pour lors chorégraphe de la célèbre troupe. Mon intention en l’écrivant était de composer une vaste fresque musicale, moins soucieuse d’archaïsme que de fidélité à la Grèce de mes rêves qui s’apparente assez volontiers à celle qu’ont imaginée et dépeinte les artistes français de la fin XVIIIème siècle ». Il est vrai que la version originale ne retrouve que très peu la salle de concert. On entendra volontiers les deux suites, sans les chœurs. A sa création, le succès ne fut pas au rendez-vous, au profit de Nijinski dans le Prélude à l’après-midi d’un faune. Face à d’autres ballets à succès, Daphnis ne se hissa jamais au sommet de son incroyable écriture. L’œuvre fit un détour à Bruxelles, avec des décors de Marc Chagall, dans une chorégraphie de Georges Skibine. Et grâce au Beethoven Orchester Bonn sous la direction de Stefan Blunier, nous sommes conquis. Dans une version live, l’auditeur se laisse imprégner de la douceur de cette musique face à quelques extraits plus mouvementés, comme sait le faire Ravel. La participation du WDR Rundfunkchor de Cologne, par son professionnalisme, apporte cette couleur qu’il manque cruellement aux suites. Stefan Blunier, que l’on connaît bien puisqu’il est le premier chef invité de l’Orchestre National de Belgique, envoute cette musique d’une battue souple, évidente dans le style tout en se focalisant sur quelques effets impressionnistes exceptionnels. L’homogénéité du son est de sortie, les contrastes se succèdent, uniquement pour le plaisir de l’imaginaire. Blunier propose ici une version aboutie, fine et intelligente dans le respect d’une partition négligée. Le Beethoven Orchester Bohn s’approprie facilement l’œuvre en proposant une palette de couleurs et de sons dans le goût français. Voilà un enregistrement de qualité, à retenir dans sa bibliothèque.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 8 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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