Bartók en mode mineur

par

Béla BARTÓK (1881-1945)
44 Duos-Contrastes-Sonatine
James EHNES (violon), Amy SCHWARTZ MORETTI (violon), Michael COLLINS (clarinette), Andrew ARMSTRONG (piano)
DDD-68’ 33’’-Texte de présentation en anglais, allemand et français-Chandos CHAN 10820

Avec Igor Stravinski, Béla Bartók est, selon Pierre Boulez, « le principal musicien moderne qui se soit imposé sans réticence, […] tout de suite après sa mort ». « Après avoir été longtemps ignoré, a ainsi écrit l’auteur du Marteau sans maître, Béla Bartók est devenu un des noms symboliques du contact entre public et compositeur moderne ». Et de déclarer qu’il fait partie des « cinq grands » de la musique contemporaine, aux côtés d’Igor Stravinski, d’Anton Webern, d’Arnold Schoenberg et d’Alban Berg, tout en déplorant qu’il ait disparu « dans la gêne, voire le dénuement ». Dans les années qui ont suivi, on l’a, de fait, beaucoup joué en concert et enregistré sur disque, et des œuvres telles que Le Mandarin merveilleux, Musique pour cordes, percussion et célesta ou le Concerto pour orchestre sont même devenues des tubes. Quant à ses six quatuors à cordes, ils ont rapidement été considérés comme des références absolues dans le domaine, et même comme les plus remarquables depuis ceux de Ludwig van Beethoven. Impossible, on en conviendra, d’être plus élogieux ! D’une certaine manière, il y a même eu, à l’époque, une bartókmania, qui s’est petit à petit diluée et dont les traces n’existent presque plus de nos jours.
Prétendre que le compositeur hongrois serait dans le purgatoire serait pourtant excessif, comme le montre l’édition discographique qui, à intervalles très réguliers, donne à entendre la plupart de ses pièces, y compris celles qu’on pourrait qualifier de mineures. Les trois œuvres figurant sur le présent CD appartiennent à cette dernière catégorie, mais cela ne signifie nullement qu’elles soient dénuées d’intérêt, Contrastes pour violon, clarinette et piano, écrits à Budapest en 1938, constituant d’ailleurs un petit joyau en son genre. On se souviendra que lors de sa première exécution publique, au Carnegie Hall de New York, le 21 avril 1940, la clarinette était tenue par le grand Benny Goodman. En l’occurrence, ce dernier est relayé par Michael Collins, un des meilleurs clarinettistes actuels, le créateur de Gnarly Buttons de John Adams, en 1996, et de Riffs and Refrains de Mark Anthony Turnage, en 2005. Son jeu, tout en finesse, est excellent. En revanche, l’interprétation des 44 Duos par James Ehnes et Amy Schwartz Moretti est moins convaincante, sans doute parce qu’elle est un peu trop de retenue, trop tendre, trop fragile.
Jean-Baptiste Baronian

Son 8 - Livret 8 - Répertoire 7 - Interprétation 6

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