Révélation des Ricercate d’Ottavio Bariolla, organiste milanais à la fin de la Renaissance

par

Ottavio Bariolla (ante1573-post1619) : Ricercate per sonar d’Organo. Silva Manfrè, orgue de la basilique palatine de Mantoue. Livret en anglais. Mai 2021. TT 61’02. Brilliant 96376

Silva Manfrè s’intéresse à un large répertoire : moderne (elle a mené des travaux d’étude sur Arnold Schoenberg, Paul Hindemith, Olivier Messiaen), contemporain, et aussi la musique ancienne où elle aime puiser des raretés. Après un récent album en partie consacré à Cesare Borgio par Manuel Tomadin, voici que parait chez Brilliant ce CD qui attire l’attention sur un autre organiste de la cathédrale de Milan à la même époque. C’est en cette ville que se déroula vraisemblablement toute l’activité d’Ottavio Bariolla, partagée entre le Duomo et l’église Santa Maria presso San Celso. Son talent fut vanté par l’abbé Piccinelli dans L’Ateneo dei Letterati Milanesi, auquel se référa Johann Gottfried Walther dans son dictionnaire Musikalisches Lexikon, un siècle après la disparition du compositeur, preuve de sa persistante notoriété même en-dehors de son pays natal.

On lui doit un motet, un madrigal, et pour le clavier trois volumes de Capricci & Canzoni (1594) ainsi qu’un recueil de douze Ricercate (1585) qui fait l’objet du présent disque. L’édition originale n’a pas survécu, mais on en trouve copie sous tablature à la Bibliothèque nationale de Turin, grâce à un exemplaire des années 1630. Cette musique fut rendue accessible par une transcription de Clyde William Young en 1986, quelques mois après une thèse de Wayne John Wyrembelski qui passait les Ricercate au crible d’une analyse révélant la structure polyphonique de ces pièces. Elles s’émancipent du monothématisme et élaborent plusieurs thèmes (jusqu’à quatre), parfois sous forme de variations, parfois avec contresujet.

Pour ce qui semble son premier CD, l’interprète italienne a choisi le fameux instrument de la basilique palatine de Mantoue (douze jeux avec pédalier en tirasse), qui préserve une moitié des tuyaux d’origine (Graziadio Antegnati, 1565). Depuis sa restauration en 1995-2006, cet orgue historique a déjà abondé la discographie de Claudio Merulo, Giovanni Legrenzi, Michelangelo Rossi, Girolamo Frescobaldi. Sur des registrations idoines, dans une captation aérée et un brin distante, Silva Manfrè révèle avec fluidité et poésie la fine invention mélodique de ces pages. Pour l’heure, voici une intégrale à notre connaissance sans alternative au catalogue, qui place haut la barre pour la concurrence, et complète le panorama des organistes nord-italiens de la Renaissance. Silva Manfrè compte-t-elle se pencher sur les Caprices et Chansons -l’autre pan de la production de l’auteur ? 

Christophe Steyne

Son : 8 – Livret : 8 – Répertoire : 7,5 – Interprétation : 9

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