Ralph Vaughan Williams par lui-même

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Ralph Vaughan Williams (1872-1958) Live, Volume 3 : CD 1 - Symphonie n° 2 « A London Symphony » (live 1946, extraits) ; Symphonie n° 5 en ré majeur (première mondiale 1943, extraits). CD 2 - Symphonie n° 5 en ré majeur (live 1952) ; Dona nobis pacem, cantate (live 1936). Renée Flynn, soprano ; Roy Henderson, baryton. London Symphony Orchestra, London Philharmonic Orchestra, BBC Symphony Orchestra & Chorus, Ralph Vaughan Williams. Édition 2022. Livret en anglais. 73’47’’ ; 71’51’’. SOMM. Ariadne 5019-2.

Si le légendaire musicien américain, ingénieur du son et découvreur de talents Fred Gaisberg (1873-1951) eut la main et l’oreille particulièrement heureuses pour amener activement au gramophone des chanteurs comme, entre autres, Enrico Caruso, Féodor Chaliapine, Beniamino Gigli, Nellie Melba, John McCormack, des solistes tels Fritz Kreisler, et des compositeurs dirigeant leurs propres œuvres comme Edward Elgar, son appréciation de Ralph Vaughan Williams chef d’orchestre fut bien plus mitigée, ne lui permettant de graver commercialement pour His Master’s Voice que sa Symphonie n° 4 en fa mineur, le 11 octobre 1937 : Gaisberg écrit Lorsqu’il a récemment enregistré sa Quatrième Symphonie, j’ai remarqué avec quelle douceur et discrétion il indiquait ses souhaits aux musiciens. Ses mouvements étaient plutôt maladroits et il employait un minimum de gesticulations. Effacé et silencieux dans une certaine mesure, il n’avait pas les qualités requises d’un bon chef d’orchestre. Il semble donc qu’en l’occurrence, Gaisberg s’appuyait plus sur le témoignage de ses yeux plutôt que sur celui de ses oreilles… car pourtant, le résultat est une interprétation d’une puissance et d’une force rythmique extraordinaires, que toute version ultérieure n’atteint pas, si proche soit-elle.

Par ailleurs, hormis cet enregistrement d’exception, il est vraiment regrettable qu’il fut seulement permis à Vaughan Williams de graver d’abord durant l’automne 1925 pour le label anglais confidentiel Vocalion-Aeolian l’ouverture The Wasps (Les Guêpes) aux côtés d’une sélection du ballet Old King Cole, selon le procédé acoustique déjà désuet ; et ensuite en 1929 pour la Columbia Graphophone anglaise une série de Country Dances inoffensives et répétitives dans des arrangements de Cecil James Sharp (1859-1924). Et plus rien d’autre… Aussi réjouissons-nous de cette parution SOMM d’une extrême importance, qui nous révèle Vaughan Williams chef d’orchestre dans deux de ses œuvres purement orchestrales et une chorale, apparemment seuls témoignages live survivants du compositeur-chef d’orchestre à ce jour.

Précisons d’abord que le second disque de ce double CD est une réédition remarquablement améliorée par l’excellent musicien-ingénieur du son Lani Spahr d’une ancienne parution SOMM 071 de 2007, révélant une Symphonie n° 5 en ré majeur totalement maîtrisée en un live des BBC Proms du 3 septembre 1952 au Royal Albert Hall, ainsi que ce magnifique plaidoyer pour la paix qu’est la cantate Dona nobis pacem basée notamment sur trois poèmes de Walt Whitman, dont Vaughan Williams nous offre cette première radiodiffusée en novembre 1936 aux BBC Studios de Londres : grâce à son enregistrement par la BBC, cette émouvante interprétation d’exception a miraculeusement survécu, et SOMM en donne la première publication autorisée. Par ailleurs, nous devons à Eric Spain, un brillant ingénieur, auteur d’un remarquable enregistreur sur support acétate de longue durée, la capture tout aussi miraculeuse de la Symphonie n° 5 de septembre 1952.

Toutefois la véritable nouveauté en CD de cette publication SOMM est le premier disque consacré à la Symphonie n° 2 « A London Symphony » en un live du 31 juillet 1946, et à la Symphonie n° 5 en ré majeur dans sa première mondiale du 24 juin 1943, et en ces circonstances, les sources audio proviennent cette fois des nombreuses archives Kenneth Leech détenues par la British Library : passionné de musique, Leech disposait d’un excellent mais unique graveur de disques pour des enregistrements hors antenne d’émissions de la BBC ; toutefois ses disques ne duraient qu’environ quatre minutes maximum et devaient en conséquence être permutés pour capter les mouvements de plus longue durée, des solutions de continuité en résultant irrémédiablement… Il est donc frustrant d’entendre ces interprétations rares et exceptionnelles interrompues à plusieurs reprises : si les mélomanes habitués aux divers enregistrements de ces deux merveilleuses œuvres de Vaughan Williams y trouveront certainement -et à juste titre !- des raisons de se réjouir, il est évident que le discophile désireux de faire connaissance avec le langage personnel et passionnant du grand compositeur anglais se doit d’abord d’envisager les gravures légendaires d’Adrian Boult et John Barbirolli, sans compter celles qui ont suivi (de Vernon Handley, Richard Hickox ou Bryden Thomson, par exemple).

Son : 8 (historique) - Livret : 9 - Répertoire : 10 - Interprétation : 10

Michel Tibbaut

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