Robert King actualise sa vision chambriste des Sonates en trio de Bach

par

Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Six Sonates en trio BWV 525-530 [arrangement Robert King]. The King’s Consort. Kati Debretzeni, Huw Daniel, violon. Rose Redgrave, alto. Frances Norbury, hautbois, hautbois d’amour. Robin Michael, violoncelle. Eligio Quinteiro, théorbe. Robert King, clavecin, orgue de chambre. Livret en anglais, français, allemand. Février 2023. TT 75’35. Vivat 123

Conçues comme exercice d’aguerrissement, ces six Sonates en trio restent surtout connues à l’orgue, mais comprennent des arrangements d’œuvres instrumentales antérieures. L’Adagio/Vivace de la sonate en mi mineur dérive par exemple d’une Sinfonia de la cantate Die Himmel erzählen die Ehre Gottes (BWV 76). Les emprunts furent d’ailleurs multilatéraux, puisque l’on retrouve l’Andante e dolce de la sonate en ré mineur dans le triple concerto BWV 1044. La musicologie n’a pas fini de démêler la parenté avec des pages remontant à la période de Cöthen. Seule la sixième du lot ne proviendrait d’aucune adaptation, en l’état actuel des connaissances académiques.

Au-delà du débat des filiations, ces différentes moutures plaident, s’il en était besoin à une époque où les transcriptions, recyclages et autocitations étaient monnaie courante, pour que ces sonates puissent être jouées par diverses combinaisons instrumentales qui en respectent la trame polyphonique. Moyennant d’inévitables transpositions dans les tonalités congruentes : bascule en ré majeur pour le BWV 525, ou ré mineur pour le BWV 526, dans cet enregistrement.

Outre des équipages aussi surprenants que guitare et clavecin (cf la remarquable réalisation d’Eliot Fisk & Albert Fuller), la discographie compte des interprétations en duo de flûtes & clavecin, ainsi Jean-Pierre Rampal et Robert Veyron-Lacroix dès la fin des années 1970 (Erato) et plus récemment Mario Folena et Roberto Loreggian chez Brilliant. Pour petits ensembles de chambre, on se souvient d’Heinz Holliger, Tabea Zimmermann, Christiane Jaccottet, Thomas Demenga (Philips, octobre 1987), de Musica Pacifica (Virgin, mai 1992), du Purcell Quartet (Chandos, décembre 1997), du Palladian Ensemble (Linn, 1996), du Concert Français (Astrée, 2000) et du London Baroque de Charles Medlam (Bis, octobre 2001), pour s’en tenir à des contributions marquantes.

Sans oublier… The King’s Consort en octobre 1995 pour Hyperion. Le présent disque se présente comme une actualisation de cet essai, avec une équipe complètement remodelée au fil des ans. Sauf le leader, bien sûr, qui met à profit trois décennies d’expérience au contact de ces œuvres : les performing editions de ces sonates « ont figuré régulièrement à nos programmes, en étant souvent révisées ou améliorées » précise Robert King dans la notice, qui tend à paraphraser celle qu’il avait déjà signée pour le label de Philip Hobbs.

Hormis des tempi globalement assouplis, voire distendus (l’Adagio BWV 525 en devient atone), l’esthétique n’a guère changé : lignes serrées, phrasés onctueux et peu contrastés, couleurs embrunies voire monochromes, –loin des textures duveteuses et de la fraîche chlorophylle que semblait promettre la pochette. Le hautbois de Katharina Spreckelsen avait tendance à se singulariser, là où les anches plus léchées de Frances Norbury s’intègrent harmonieusement au tissu instrumental. La prise de son apparaît aujourd’hui plus lisse voire mouchée. La prestation ronronne agréablement et s’avère d’une fine musicalité. On souhaiterait toutefois davantage de respiration, d’imagination, d’audace pour réveiller la veine italianisante et la suavité mélodique de ces cahiers. Rien qui surclasse le précédent témoignage du King’s Consort : si vous l’aviez adopté, la nouvelle proposition ne déplaira pas, mais ne s’ajoute aucun atout décisif.

Son : 8 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 7,5

Christophe Steyne

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.