Saison prometteuse à l’ONB

par

Bruno Mantovani

Bruno Mantovani (1974-)
Schlemihl (2014)
Max Bruch (1838-1920)
Concerto pour violon n°1 en sol mineur, op. 26
Richard Strauss (1864-1949)
Also sprach Zarathustra, poème symphonique op. 30
Orchestre National de Belgique – Andrey Boreyko, direction - Andrey Baranov, violon

Ouverture de saison réussie pour l’Orchestre National de Belgique. Andrey Boreyko débute la soirée par un premier poème symphonique : Schlemihl de Bruno Mantovani (commande commune de la Scala de Milan, l’Orchestre de Paris, l’ONB et le NTR ZaterdagMatinee). Cette création se dessine dans un projet d’envergure sur toute la saison : dix pièces courtes écrites par dix compositeurs de dix pays ayant participé à la Guerre. Le directeur du Conservatoire de Paris propose une œuvre tant complexe que truffée de références à la culture : jazz, improvisation, allusions en hommage à Richard Strauss, le tout en référence à Peter Schlemihl wundersame Geschichte d’Adelbert. Influencé par Edgar Varèse, Mantovani expose aux instruments des motifs métaphoriques, ceux du personnage qui vend son ombre au diable en échange de richesses. S’apprécient les différents modes de jeu, notamment pour le clarinettiste solo ou encore le dialogue avec les percussions et les cuivres. On y décèle aussi ces combinaisons parfois surprenantes chères à Strauss : superposition de vents seuls, grandes phrases expressives… Boreyko mène l’œuvre d’une main de maître et semble à l’aise avec ce langage moderne. Avec le Concerto n°1 en sol mineur de Bruch, Andrey Baranov termine la première partie avec fougue. Attentif, le chef perçoit le moindre ralenti ou autre dynamique et crée un dialogue idéal entre le soliste et l’orchestre. Belle énergie commune pour le premier mouvement aux couleurs dramatiques accentuées. L’orchestre accompagne le soliste avec finesse et lui permet de s’exprimer librement. Plus feutré et intime, le second met en exergue toutes les qualités musicales du soliste dans une compréhension sans faille de la forme. Dans le dernier mouvement, Baranov encourage l’orchestre et tend à le repousser dans ses derniers retranchements. Energie flamboyante et vive pour cette dernière danse, non ponctuée d’un bis, dommage. Avec le poème symphonique Also sprach Zarathustra de Richard Strauss, Boreyko réintroduit les grandes œuvres du répertoire à l’ONB. Cette fois sur le livre de Friedrich Nietzche, le poème se compose de neuf parties variées et complexes dont le motif initial (do-sol-do) s’immisce à plusieurs reprises. D’une envergure redoutable, l’œuvre se distingue par un travail sur les plans sonores ainsi que sur la structure, pouvant devenir très vite monotone et incohérente. Pourtant, Boreyko modèle chaque phrasé avec intelligence et ne laisse rien au hasard. Toujours élégante, sa battue symbolise idéalement la construction mélodique et le dessein harmonique. Après le célèbre thème initial, on redécouvre toute la finesse du langage Straussien. Aucune lourdeur, de la clarté dans les pupitres et des cors en forme ce soir. On a rarement entendu une si large palette de couleurs, de dynamiques pour des musiciens vraisemblablement heureux de jouer une telle œuvre. Face à la difficulté de la partition, l’ONB travaille d’une seule voix et démontre qu’il a toutes les qualités pour ce type de répertoire souvent oublié. D’ailleurs, c’est la Symphonie n°5 de Mahler qui résonnera bientôt. Un nouveau défi pour Boreyko et l’ONB ? A suivre !
Ayrton Desimpelaere
Bozar, le 19 septembre 2014

Les commentaires sont clos.