La quintessence de l'art du lied par l'un de ses meilleurs serviteurs

par

JOKER

Franz SCHUBERT (1797-1828)
Die schöne Müllerin D. 795
Robert SCHUMANN (1810-1856)
Der Nussbaum-Die Lotosblume
Hugo WOLF (1860-1903)
Nimmersatte Liebe-Der Musikant-Auf ein altes Bild-Der Gärtner
Anton DERMOTA (ténor), Hilde DERMOTA (piano)
1950-1953-ADD-78'25-Pas de texte de présentation-Decca 480 8151

On connait bien Anton Dermota: il fut pour les générations des années 40 et 50 le ténor mozartien par excellence qui offrit, entre autres, les plus poignants et les plus stylés de tous les Tamino passés et à venir. Cette évidence nous a parfois fait oublier qu'il était aussi – avant tout? - un Liedersänger d'exception. On se souvenait d'une Belle meunière qu'il avait enregistrée pour Preiser au crépuscule de sa longue carrière, vers 1976: la voix y avait étonnamment gardé toute sa fraîcheur et presque toute sa jeunesse. Tout au plus pouvait-on percevoir quelque légère dureté ici et là. Mais on avait complètement oublié qu'au faîte de ses moyens, en 1953, il en gravait pour Decca une première version qu'on peut qualifier de tous les superlatifs possibles: un véritable miracle. Comment est-il possible de plier sa voix à des phrasés aussi proches de l'idéal et cela, avec tant de naturel et une telle absence apparente d'effort? De garder autant de noblesse tout en conservant une émotion intacte et une simplicité jamais démentie? Et le style, l'élégance, la tenue, la respiration, la diction, la subtilité du mezza voce! Nous sommes ici au coeur de cet art, disparu à tout jamais, de bien « dire » le lied. Voix de rêve, timbre de métal précieux, tout, décidément, contribue à donner la sensation que l'on atteint ici des sommets désormais inaccessibles, si ce n'est par le biais du disque. Sans qu'elle rejoigne tout à fait la perfection d'un Gerald Moore ou d'un Michael Raucheisen, l'épouse de Anton Dermota, Hilde, se révèle être une accompagnatrice hors pair, un rôle qu'elle assumera jusqu'au bout, y compris dans le disque Preiser cité plus haut. En complément, des extraits d'un autre disque superbe, un peu plus ancien (1950) et qui, originellement, proposait une face d'airs de Mozart et de Strauss et l'autre de lieder de Schumann, Wolf et Strauss. C'est celle-ci qu'ont choisie les éditeurs, en « oubliant » au passage la partie Strauss. Les célébrissimes Der Nussbaum et Die Lotosblume de Schumann et quatre lieder tout aussi connus de Wolf achèvent donc en beauté cet album, un des fleurons de cette nouvelle collection dédiée au chant des années 40-70 par Decca. A ne rater sous aucun prétexte. Plus encore: si vous ne connaissez pas encore le monde merveilleux du lied, on ne peut rêver meilleure entrée en matière qu'ici.
Bernard Postiau

Son 9 - Livret 2 - Répertoire 10 - Interprétation 10 

Les commentaires sont clos.