Schubert, sensible et souple sous les doigts d’Adam Laloum

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Franz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano en la majeur D. 959 ; Moments musicaux op. 94, D. 780. Adam Laloum, piano. 2023. Notice en français, en anglais et en allemand. 76’ 19’’. Harmonia Mundi HMM902386.

Le pianiste français Adam Laloum (°1987), originaire de Toulouse, s’est formé dans sa ville natale avec Daniel Beau, avant le CNSM de Paris avec Michel Béroff, puis le Conservatoire de Lyon avec Géry Moutier. En 2009, il remporte à Vevey le Concours Clara Haskil. Sa discographie est dominée par Schubert, Schumann et Brahms. Après une première approche de Schubert en 2016 pour Mirare (la Sonate D. 960, couplée aux Davidsbündlertänze de Schumann), il signe en 2020, déjà pour Harmonia Mundi, un album Schubert où voisinent les sonates D. 894 et D. 958. Il poursuit son parcours dans l’univers du Viennois avec la Sonate D. 959 et les Moments musicaux D. 780. Il y fait à nouveau la démonstration de sa sensibilité, de sa subtile expressivité et d’une narrative souplesse de jeu.

Adam Laloum cultive un lyrisme sans maniérisme ni raideur, sans baisse de tension non plus. Ce qui sert très bien cette sonate de septembre 1828, écrite deux mois avant la disparition du compositeur. Elle nous fait retrouver les aveux murmurés et les effusions du cœur auxquelles Schubert nous a habitués, et cela surtout dans le scherzo et dans le final très lyrique en forme de rondo, a écrit Marcel Schneider dans la biographie qu’il lui a consacrée (Seuil, 1967, p. 100). Dans l’Allegro initial, Laloum souligne la vivacité et l’énergie qui s’en dégage et met en valeur les détails du texte et leur architecture. Il propose, pour l’Andantino, de la clarté dans une douleur exprimée avec pudeur, au sein d’un climat à la fois libre et comme détaché du monde, déjà. Avec son espace de respiration dansante, le Scherzo se décline comme un chant ensoleillé, bondissant même dans sa maîtrise des timbres. Quant à l’Allegretto final, il assume aussi bien la simplicité que le pressentiment du drame à venir, le mystère participant à l’énoncé d’un piano qu’une joie vient traverser pour clôturer ce chef-d’œuvre. Tout au long de ce parcours de plus de quarante minutes, Laloum distille la légèreté et le tragique avec un art consommé qui touche l’auditeur jusqu’au plus profond de l’âme.

Avec les Moments musicaux, écrits à partir de 1823 et réunis quatre ans plus tard, Schubert, comme l’écrit dans la notice Jean-François Boukobza, professeur d’analyse, culture et esthétique musicales au CNSM de Paris, annonce les formes mosaïques du romantisme en offrant un ensemble bigarré (…) laissant percer un regard à la fois doux et désenchanté sur le monde. Laloum a bien compris ce panorama, où voisinent échos de fanfares, aimable berceuse, danses franches, murmures contrastés, passion rythmée et charme mélodique viennois. À chaque « moment », le pianiste, amoureux des couleurs nuancées qui lui viennent naturellement sous les doigts, peaufine avec soin les atmosphères variées, qu’il s’agisse de fêlures secrètes, d’accents pathétiques ou de joies exprimées, tout en leur assurant une unité que leur confère son toucher si imagé. 

Ce très beau disque Schubert, enregistré en avril 2023 au Théâtre Auditorium de Poitiers, confirme les profondes affinités d’Adam Laloum avec cet univers schubertien dont on ne se lasse jamais. 

Son : 9  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

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