Six Quatuors du Chevalier de Saint-Georges, servis avec vigueur

par

Joseph Bologne, Chevalier de Saint-Georges (1745-1799) : Six Quartetto concertans. Arabella String Quartet. Julie Eskar, Sarita Kwok, violon. Ettore Causa, alto. Alexandre Lecarme, violoncelle. Juin 2021. Livret en anglais.  52’37. Naxos 8.574360

Publiées entre 1773 et 1785, les trois séries de quatuors à cordes du Chevalier de Saint-Georges émanent du cœur de sa production instrumentale et témoignent de l’enfance du genre sur le sol français, dans la roue de François-Joseph Gossec (1734-1829), Nicolas Capron (c1740-1784) et Pierre Vachon (1738-1803). À l’occasion du bicentenaire de la parution du premier lot, le prestigieux Juilliard Quartet avait enregistré en novembre 1973 un extrait de cet opus 1, pour la collection « Black Composer Series » du label CBS. Le recueil intermédiaire que nous entendons dans ce disque daterait de 1777 selon les récentes recherches musicologiques.

Contrairement au moule quadripartite que stabilisa Joseph Haydn, ces quatuors se structurent tous en deux parties, la première étant la plus vive, sauf dans le cas du second quatuor, le seul dans une tonalité principale en mineur. L’adjectif qui qualifie ces six Quartetto concertans renvoie à l’individualisme des parties où les instruments dialoguent en équité, et ont chacun voix au chapitre dans les énoncés thématiques. Ces saillies mélodiques impliquent certes une simplification de l’expression polyphonique quand les comparses accompagnent les essors. Bien que le Chevalier fût un violoniste réputé, on observera que la ligne de violoncelle s’avère particulièrement virtuose et se voit confier d’éloquentes envolées, comme dans les allegros des troisième et sixième quatuors, enflammés par Alexandre Lecarme.

Forgée à la Yale University en 2011, et déjà remarquée dans un premier CD (In the moment) pour Naxos en 2017, l’équipe Arabella réunit de talentueux archets, venus d’Australie, du Danemark, d’Italie et de France. Même si le style interprétatif cède ici peu au galant, même si la cohésion et la séduction des textures ne semblent pas les qualités premières, leur jeu à fort tempérament laisse sa part à l’initiative et à la joute. Pas particulièrement raffinée, la captation manifeste du moins un relief à l’avenant. Voilà qui sert ce théâtre d’humeurs avec toute la vigueur requise, de nature à rappeler combien le compositeur était à l’époque tout aussi connu pour ses exploits d’escrimeur. Après des albums consacrés chez le même éditeur aux concertos et aux symphonies, cette nouvelle parution permet d’estimer dans l’exigeant genre chambriste la valeur de du legs musical de Joseph Bologne : sans prétendre à l’ériger en « Mozart noir », ses pages restent tout à fait plaisantes.

Son : 8 – Livret : 8 – Répertoire : 7,5 – Interprétation : 8

Christophe Steyne

 

 

 

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