Sylvia Huang à Bozar: enfin!

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On se souviendra que la violoniste Sylvia Huang, lauréate-surprise du Concours Reine Elisabeth 2019, récompensée également par les Prix du Public attribués par les auditeurs de Musiq’3 et de Klara, s’était également vue décerner la même année le Prix Caecilia du Jeune musicien de l’année par l’Union de la Presse musicale belge, traditionnellement concrétisé par un concert offert au lauréat par Bozar, en règle générale dans la saison qui suit. Entre-temps, le covid est passé par-là et les salles de spectacles ont été fermées si longtemps que cette première visite depuis octobre au Palais des Beaux-Arts -qui a eu depuis à subir les dégâts de l’incendie de janvier 2021- paraît presque irréelle.

Malgré un public masqué et en nombre restreint pour ce concert du dimanche matin inscrit dans la série Bozar Next Generation, ce retour à la musique apparaît presque comme un retour à la vie pour votre chroniqueur (et il n’aura certainement pas été le seul).

Plus d’un observateur de ce dernier Concours Reine Elisabeth aura gardé le souvenir d’une artiste alliant un étonnant mélange de simplicité et de profondeur.  Le charme agit dès les premières mesures de la Sonate K. 303 de Mozart où le naturel de la violoniste, son jeu dépourvu du moindre artifice touchent infailliblement juste. Elle a de plus la chance d’avoir à ses côtés un partenaire de grande qualité en la personne de Boris Kusnezow, pianiste fin et racé au jeu clair et très subtilement pédalé.

On appréciera l’inclusion dans ce récital du magnifique Poème élégiaque d’Ysaye (écrit à l’origine pour violon et orchestre, mais le piano éloquent de Boris Kusnezow n’en fit pas regretter l’absence), pièce fascinante et trop peu fréquente dans nos salles de concerts. Jouant ici sans partition, Sylvia Huang déploie un son ample et libéré ainsi qu’un magnifique talent de conteuse dans une oeuvre qu’elle pare des couleurs d’un romantisme tardif, sombre et mystérieux, qui se situerait quelque part entre Sibelius et Rachmaninov. 

Sous les doigts de Sylvia Huang, l’élégante Romance, Op. 28 de Fauré, jouée avec énormément de charme et un son à présent éclairci, n’a vraiment rien de salonnard.

La rare Sonate de Respighi conclut ce programme. Cette oeuvre sombre, passionnée et techniquement exigeante, trouve ici les deux musiciens au meilleur de leur forme. Soutenue par le piano puissant mais sans brutalité de Kusnezow, Huang fait admirer tout au long de l’oeuvre un magnifique travail sur le son avec une mention spéciale pour la pureté de ses aigus dans l’Andante espressivo central. 

Triomphe mérité pour les interprètes salués par un public enthousiaste récompensé en bis par l’exquis Rêve d’enfant d’Ysaye, délicieuse berceuse superbement servie par l’exquise poésie et le son soyeux de la violoniste.

Bruxelles, Bozar, 13 juin 2021.

Patrice Lieberman

Crédits photographiques :  Victor Godet 

 

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