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Bor Zuljan à propos de Dowland

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À l'occasion de son remarquable premier album enregistré comme soliste, nous avons discuté avec Bor Zuljan : sa conception de Dowland, de sa musique pour luth. Comment a-t-il structuré son programme, pourquoi le choix de cet instrument à huit chœurs, quels sont ses projets...

Dans sa jeunesse, à Paris, Dowland avait embrassé le catholicisme romain. Il considéra que sa religion fut un obstacle à sa carrière sous le règne élisabéthain marqué par l’Acte de Suprématie de 1559. On le retrouve alors en Italie, en Allemagne, auprès du Roi du Danemark, mais ce n’est qu’une quinzaine d’années avant sa mort qu’il accéda enfin à un poste à la Cour d’Angleterre, sous Jacques 1er. Ce manque d’égard sur sa terre natale peut-il expliquer la frustration et le tempérament d’un Dowland tourmenté, vindicatif, derrière la réputation de mélancolie qu’on lui a accolée ? Pensez-vous que son caractère transparait dans les mœurs de sa musique ? Traduit-elle un besoin de reconnaissance ?

Il est bien sûr difficile de comprendre la complexe personne de John Dowland juste par quelques écrits à 400 ans d'écart. Mais j'aurais tendance à penser le contraire : je vois plutôt sa nature tourmentée, son caractère conflictuel comme obstacle à obtenir le poste tant souhaité. De plus, la Cour d'Elisabeth I incluait des musiciens catholiques, comme par exemple William Byrd.

Dowland a été loué pendant sa vie en presque toute l'Europe, étant aussi un des musiciens les mieux payés. Son besoin de reconnaissance est donc plus une question d'attitude. Si nous considérons quelques autres épisodes et faits de sa vie nous pouvons y voir une personnalité assez difficile, voire extrême.

Et c'est cela qui transparait dans sa musique, je pense. On n'y trouve pas seulement une mélancolie "résignée", mais aussi de la rage et du désespoir profond. Puis, d'un coup, il nous surprend avec des morceaux d'une immense lumière et légèreté, nous laissant supposer qu'il était bipolaire, passant de la dépression à la manie excessive.