Mots-clé : Bertrand de Billy

Beethoven et Bruckner à Monte-Carlo

par

On retrouve le chef d'orchestre franco-suisse Bertrand de Billy pour le premier concert symphonique de l'année de l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo sur la scène de l’Auditorium Rainier III Monte-Carlo

Le Trio Zeliha composé de la violoniste Manon Galy, du violoncelliste Maxime Quennesson et du pianiste Jorge González Buajasán interprètent en première partie le Triple concerto de Beethoven. Ces jeunes trentenaires sont tous vainqueurs de concours internationaux et ont également une carrière de solistes. Ils s'étaient produits à Monte-Carlo en 2020, en pleine pandémie du Covid, à leurs débuts pour un concert de musique de chambre. Ils avaient programmé le Trio des esprits et le Trio archiduc de Beethoven.  Jorge González Buajasán avait donné un an plus tard une superbe interprétation du Concerto n°1 de Chopin avec l'OPMC sous la direction de Stanislav Kochanovsky. 

L'originalité du Triple concerto de Beethoven réside dans l'art d'équilibrer le détail de la musique de chambre et concertante, un étonnant mélange d’intimité et de déferlement orchestral. Beethoven n'a pas écrit de concerto pour violoncelle mais dans le triple concerto, le violoncelle à la partie privilégiée. Maxime Quennesson entretient un dialogue poétique avec le violon de Manon Galy et avec le piano majestueux de Jorge González Buajasán quand il joue en duo.  Et quand Quennesson joue seul, il est transpercé par son violoncelle. Bertrand de Billy, l'OPMC et les solistes ont une communication immédiate.

Le public est charmé par l'enthousiasme, l'ardeur, la musicalité, l'énergie vibrante, la virtuosité et la présence scénique du jeune trio. Après une ovation, ils donnent en bis le “rondo all'ongarese" du Trio n°39 de Haydn.

Ensevelie dans un bric à brac lugubre, La Vestale sauvée par le chant à l’Opéra de Paris

par

« Je suis venue parce que j’aime le morbide » confie une adolescente à l’entrée. Elle a dû être déçue. D’abord, parce que la musique altière où se love un chant large et spianato dégage une insolente énergie vitale. Ensuite, parce que sur le lieu même où fut emprisonné le marquis de Sade en 1785, la mise en scène manque paradoxalement d’ imagination.

Sans doute désemparée devant cet opéra romain-napoléonien, la metteur en scène Lydia Steier négligeant l’histoire de France au profit de la sienne - anglo-saxonne- , explique  avoir cherché des idées du côté de l’Iran puis des Mormons pour, finalement, se tourner vers une dystopie  américaine « La servante écarlate » qu’elle a épicée de  nazis, fascistes franquistes, pénitents cagoulés, soldats à kalachnikov.

Lorsque La Vestale, Tragédie lyrique en 3 actes de Gaspare Spontini sur un livret  d'Étienne de Jouy, parut sur la scène de l’Académie Impériale de Musique, le 15 décembre 1807, elle fut accueillie avec des transports d’enthousiasmes. Wagner l’admirait, Berlioz également. Elle resta en faveur tout le siècle. Maria Callas s’empara du rôle en 1954. Récemment, une version orchestrale rutilante dirigée par Christophe Rousset au Théâtre des Champs-Élysées a permis d’apprécier « sur pièce » une partition-charnière qui hésite entre Gluck et Chérubini, entre l’épure, l’émotion et le grandiose.

A Genève, l’OSR  au grand complet  

par

Le 4 mai dernier, le concert de l’Orchestre de la Suisse Romande comportait l’indication énigmatique Le Double qui se référait directement à la première œuvre figurant au programme choisi par Bertrand de Billy : il s’agit de la Deuxième Symphonie d’Henri Dutilleux, commandée par la Fondation Koussevitzky pour commémorer le 75e anniversaire de l’Orchestre Symphonique de Boston et créée en cette ville le 11 décembre 1959 sous la direction de Charles Munch. Le compositeur déclarait à ce propos : « Deux personnages en un seul, l’un étant comme le reflet de l’autre, son double. Il ne s’agit nullement d’un concerto grosso, et je voulus au contraire éviter toute analogie avec des schémas néo-classiques ». Et c’est effectivement un petit ensemble de douze instruments (les vents par un, un clavecin, un célesta, deux violons, un alto et un violoncelle) qui entoure le pupitre de direction et qui impose ce climat mystérieux  émanant des timbales et de la clarinette qui mènera ensuite le dialogue avec l’imposant tutti. Le discours s’amplifie pour parvenir à un fugato intense que désagrégera le célesta rythmé par la percussion. L’alto solo imprègne l’Andantino sostenuto d’une nuance de tristesse qui contaminera l’ensemble des cordes puis se laissera dissoudre par l’intervention du violoncelle, du cor et de la trompette. Emporté par une rare énergie, le Final concède aux cuivres des effets jazzy que contrecarrent des bribes de choral qui parviennent à un paroxysme cinglant. Puis le rideau semble être tiré par des sonorités presque irréelles tissant une péroraison aussi envoûtante qu’apaisante.

Don Giovanni chez les Atrides

par

Comme Tintin ou Astérix, Don Juan se joue des frontières de l’espace et du temps. Le voici transporté chez les Tragiques grecs par le metteur en scène Ivo van Hove.

L’air est raréfié, la ligne décantée, les enjeux à nu, laissant la musique déployer ses ambiguïtés, prise sous les feux croisés d’éclairages  subtils. Ocres ou aveuglants, ponctués de couleurs parcimonieuses, la lumière découpe des espaces architecturés transposés aux dimensions de la salle. Teintes méditerranéennes également qui évoquent l’esthétique des ruines grecques, comme celle des villas de Palladio rejoignant l’engouement du 18e siècle pour l’italie néo-antique (déjà présent chez Joseph Losey). Les costumes -au sens premier- se dépouillent également de toute anecdote. Fourreaux, escarpins, font place aux masques, à quelques uniformes et robes d’époques posées sur des mannequins (fin du I) et à l’arrivée de l’orchestre de scène.

Certes, les notes de programme font allusion à la lutte des classes, au féminisme -dans sa correspondance Mozart lui-même met en garde sa jeune épouse contre le cynisme de la noblesse viennoise…- mais les spectres antiques suggérés par la direction d’acteur ouvrent sur une autre tragédie. Souterraine, cette dernière se joue dans la partition. Elle apparaît rarement au grand jour et seul le travail scénique la rend aussi perceptible.

Une importante première en DVD : Mathis der Maler de Paul Hindemith 

par

Paul Hindemith (1895-1963) : Mathis der Maler, opéra en sept tableaux. Wolfgang Koch (Mathis), Kurt Streit (Albrecht von Brandenburg), Franz Grundheber (Riedinger), Manuela Uhl (Ursula), Raymond Very (Hans Schwalb), Katerina Tretyakova (Regina), Martin Snell (Lorenz von Pommersfelden), Charles Reid (Wolfgang Capito), Oliver Ringelhahn (Sylvester von Schaumberg), Ben Connor (Truchseß von Waldburg), Magdalena Anna Hofmann (Comtesse Hellfenstein) et comparses ; Chœurs de la Philharmonie slovaque ; Wiener Symphoniker, direction Bertrand de Billy. 2012. Notice en anglais et en allemand ; synopsis dans les deux mêmes langues. Sous-titres en allemand, en anglais, en français, en japonais et en coréen. 190.00. Deux DVD Naxos 2.110691-92. Aussi disponible en Blu Ray.

A l’OSR, une fascinante création de Richard Dubugnon

par

Lors de chaque saison, l’Orchestre de la Suisse Romande passe commande d’œuvres auprès de jeunes compositeurs qui ont ainsi à disposition un effectif de plus de cent instrumentistes. C’est pourquoi Richard Dubugnon, né à Lausanne en 1968, élève du Conservatoire de Paris et de la Royal Academy of Music de Londres, contrebassiste de formation ayant joué durant onze ans dans la fosse de l’Opéra de Paris, propose en création Via Lemanica, le deuxième volet de son triptyque Helvetia qui avait débuté en 2013 avec Vol alpin commémorant le vingtième anniversaire du Festival de Verbier.

Avant que les musiciens ne prennent place sur le plateau, le compositeur lui-même prend la parole pour expliquer son œuvre qui est en fait une brève symphonie en trois mouvements utilisant l’orchestre straussien divisé en petits groupes d’instruments incluant notamment d’insolites heckelphones et tubas wagnériens. Le titre latin évoque une voie imaginaire autour du Léman, nous ramenant au VIe siècle, au moment où un tsunami appelé ‘tauredunum’ ravagea la Romandie en 563. Sous ce prétexte historique, la musique reste abstraite dans une forme conventionnelle où se glisse une mélodie d’Emile Jaques-Dalcroze, C’est si simple d’aimer, reflétant simplement un attachement de Richard Dubugnon à sa région natale.