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La saison à l'Opéra de Nice s'ouvre avec "Lakmé" de Leo Delibes

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Le public niçois est heureux de retrouver Lakmé, une partition qui séduit toujours par la beauté des mélodies, des airs et par le dépaysement de l'intrigue.

La mise en scène de Laurent Pelly, reprise par Luc Birraux, extrêmement dépouillée, se met au service de l'opéra. Pas de folklore, de temples ou de costumes kitsch. On est juste élevé par la magie de la musique et du chant. L'Inde rêvée est davantage un spectacle inspiré du théâtre Kabuki. Les costumes sont blancs, les visages sont poudrés de blanc. Pour les Anglais les costumes sont gris foncé. 

Pour tout décor : des voiles blancs transparents découpés, de tailles différentes, sont déplacés selon les besoins de l'action. Un énorme disque orangé pour la pleine lune. Un marché imaginaire composé de quelques boutiques éclairées de l'intérieur et mobiles. Une énorme cage formée de cordages noués pour protéger Lakmé du monde extérieur. Les éclairages sont superbes et subtils. Nous entrons dans l'opéra comme on lirait un livre de contes et de légendes.

Lakmé est le portrait d'une femme remarquable. La pureté de son amour impossible, le sacrifice ultime de sa vie, est ce qui émeut et nous relie au destin de la fille des Brahmanes.

Un cœur en forme de fraise pour Francis Poulenc

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Francis Poulenc (1899-1963) : Mélodies et chansons : Toréador ; Deux Mélodies de Guillaume Apollinaire ; A sa guitare ; Airs chantés ; Tel jour telle nuit ; La tragique histoire du petit René ; Le petit garçon trop bien portant ; Bleuet ; Fiançailles pour rire ; Nous voulons une petite sœur. Carl Ghazarossian, ténor et Emmanuel Olivier, piano. 2022. Notice en français, sans texte des poèmes. 55.11. Hortus 225.

Respectueusement inventive : Le Nozze di Figaro à Saint-Etienne,

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A l’Opéra de Saint-Etienne, des applaudissements enthousiastes ont salué Le Nozze di Figaro de Mozart tel que Laurent Delvert l’a donné à entendre, à voir, et donc à vivre, dans une approche respectueusement inventive.

Une représentation d’opéra réussie, c’est un peu comme une fusée à quatre étages qui nous enverrait dans un ciel radieux, qui nous installerait dans un espace-temps bienheureux, même si elle traite de la pire des tragédies. Ces Nozze di Figaro en sont une démonstration.

Le premier étage, c’est le livret. Celui que Lorenzo da Ponte a dégagé du Mariage de Figaro de Beaumarchais. Un bonheur d’intrigue : on ne compte plus les rebondissements de l’action, les coups de théâtre, les quiproquos, les clins d’œil au spectateur dans cette histoire d’un Comte fatigué de cette femme qu’il avait pourtant mis tant d’énergie à faire sienne, qui voudrait, au nom d’un vieux droit de cuissage, s’emparer de la jeune Suzanne. Ce qui va provoquer les ruses et stratagèmes de celle-ci, de son Figaro futur mari, de la Comtesse elle-même. Le tout se concluant par la déconfiture du volage. Mais ce serait trop simple : il faut compliquer l’intrigue avec un jeune page, Chérubin, amoureux de tout ce qui porte un jupon, toujours là où il ne devrait pas être. Il faut encore une dette à acquitter sous peine de mariage forcé, une scène de double reconnaissance, un jardinier ivrogne. Secouez le tout : le cocktail est excellent. Sans oublier que cela, qui virevolte, donne aussi à réfléchir.

Le second étage de la fusée, c’est la partition. Et quelle partition. Aussi convaincante dans ses facettes bouffonnes que dans ses séquences humainement émouvantes. La musique ajoute sa part décisive aux jeux de l’intrigue. Quand la Comtesse exprime sa douleur, les notes la multiplient ; quand père-mère-fils « se reconnaissent », les répétitions « sua madre, sua padre » ajoutent à la drôlerie de la situation. Oui, Mozart, de toute évidence, est magicien.

Le troisième étage de la fusée, c’est la mise en scène. Celle de Laurent Delvert est respectueuse dans la mesure où son intention manifeste est de se mettre au service de Mozart. Il en est l’interprète, à la manière d’un instrumentiste confronté à une partition. Mais elle est inventive dans ses moyens. Avec un décor à deux étages. Le bas étant l’univers des domestiques, de la vie quotidienne ; le haut celui de la Comtesse…mais isolée de nous par une façade en moucharabieh. Elle y est recluse, abandonnée à son triste sort de femme qui a cessé de plaire. Après l’entracte, ce décor nous révélera son envers, s’ouvrira sur une cour pour la belle scène du mariage. Et finalement, en rotation, il deviendra, plus qu’ingénieusement, un décor végétal, nécessaire pour le dernier acte au jardin, celui des déguisements, des quiproquos, de la vengeance. Une mise en scène, ce sont aussi de petits gestes, des mises en place discrètes mais expressives, quelques pas de danse, des figurants accessoiristes. C’est aussi une bonne inspiration : celle de ces pommes (oui des pommes !) que les personnages grignotent régulièrement, et qu’ils tiendront tous en main à la conclusion de l’œuvre… alors que là-haut, dans la végétation, apparaissent Adam et Eve… Il ne fallait pas croquer la pomme… Mais une mise en scène, c’est aussi un travail avec les interprètes. Et c’est alors que nous atteignons…