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Les Contes d'Hoffmann à Barcelone

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Avec le Teatro Real de Madrid, le Liceu est une des rares maisons d'opéra qui survivent à l'actuelle débâcle. Au dernier mois de décembre, plusieurs représentations de “La Traviata” ont dû être annulées suite à des restrictions gouvernementales drastiques. La direction, ayant fait valoir les efforts techniques et d'organisation mis en pratique pour assurer une sécurité maximale de spectateurs et artistes, a finalement obtenu l'autorisation de continuer leur saison. « Les Contes d'Hoffmann » mis en scène en 2012 par l'équipe de Laurent Pelly retrouvent ici une distribution de haut vol, mais surtout une volonté de survie et de dépassement des difficultés qui frappe le spectateur. L'orchestre, mené de main de maître par Riccardo Frizza, élégant et souple à souhait dans l'accompagnement, chaleureux et structuré dans les parties instrumentales, joue avec un tel degré de concentration qui se met au niveau des plus grands ensembles du moment. C'est vrai que cette phalange suit ces dernières années un mouvement ascendant, mais c'est un plaisir de l'entendre à ce niveau et nous réconforte quant aux menaces qui guettent actuellement les activités culturelles. Car le formidable réservoir de mémoire qui constitue un orchestre et, a fortiori, une maison d'opéra, sont des éléments que les responsables de la culture devraient tenir bien présents lorsqu'ils se fourvoient dans la gestion des problèmes urgents, oubliant que l'art et la culture nous définissent en tant qu'êtres humains.

A Genève, Laurent Pelly relit La Cenerentola

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Une scène vide entourée de parois recouvertes d’un papier peint délavé, un Orchestre de la Suisse Romande aux cordes réduites, jouant la carte de la transparence dans une Ouverture que le chef Antonino Fogliani allège délibérément, ainsi se présente cette Cenerentola qui, en période de disette pandémique, ouvre la saison du Grand-Théâtre de Genève en remplacement d’une Turandot exigeant de trop considérables effectifs !

Et l’on s’amuse diablement à la vue de ces praticables sur glissière véhiculant le lit de Tisbe, la baignoire de Clorinda, la cuisine à table de formica, la buanderie où œuvre la malheureuse Cendrillon, myope comme une taupe dans sa blouse trop grande et ses pantoufles miteuses, s’accrochant à son balai et son seau à récurer. Avec la collaboration de la fidèle Chantal Thomas pour le décor, Laurent Pelly s’en donne à cœur joie en concevant cette mise en scène aussi intelligente que cocasse qu’il agrémente de costumes d’une rare fantaisie ; ainsi Alidoro, le philosophe, apparaît sur le pas de porte comme un migrant hâve sous son sac à dos avant de faire basculer la trame en devenant le chef d’orchestre à queue de pie démesurée face à un Magnifico, gros bourgeois à complet-veston marron émergeant de l’intérieur de son canapé. Dans ce fatras sordide, comment ne pas désirer un peu de cette gaieté qui fait rêver qu’exhibent la dizaine de courtisans à perruque poudrée ainsi que le Dandini faux prince, flanqués d’un Don Ramiro travesti sous habit de cour verdâtre ? La rencontre inopinée de la pauvre souillon et du pseudo-valet les fait rougir tous les deux avec « Un soave non so che «  ; et l’éclairage (dû à Duane Schuler et Peter van der Sluis), jusqu’alors si terne, tourne instantanément au rose fluo. Deviennent transparents les ajouts descendant des cintres tels que le carrosse pour aller au bal et le palais princier où tout tire au violacé, de la perruque de Don Magnifico aux crinolines en plexiglas des deux Barbie pimbêches entre lesquelles virevoltera leur demi-sœur ‘métamorphosée’ dans une mousseline bleutée vaporeuse comme le temps qui s’écoule… Le retour à la maussade réalité condamne le père et ses filles à se blottir sous les draps alors qu’éclate l’orage salvateur amenant l’heureux dénouement où l’héroïne, si compatissante envers ses bourreaux, conservera ses hardes jusqu’à la dernière note de son rondò

Une MAMMA si émoustillante

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Au cœur d’une petite ville de la province italienne, nous voilà dans un théâtre à l’abandon, que l’on a transformé en parking, où accourt une élégante femme à lunettes noires transportant une montagne de cabas ; c’est ainsi que le metteur en scène Laurent Pelly nous présente Le Convenienze ed Inconvenienze teatrali que Gaetano Donizetti avait fait jouer au Teatro della Cannobiana de Milan le 20 avril 1831, quatre mois après la création d’Anna Bolena au Teatro Carcano.