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Ecoles supérieures de musique : Escuela Superior de Música Reina Sofia 

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Crescendo Magazine commence un panorama d’une série d’écoles supérieures de musique des plus innovantes. Ce parcours commence avec l’Escuela Superior de Música Reina Sofia de Madrid. Dans le contexte difficile que l’Espagne traverse, nous remercions vivement Álvaro Guibert, directeur des relations extérieures, d’avoir répondu à nos questions et Ana Espada du Service de presse, d’avoir tout mis en oeuvre pour réaliser cet entretien. 

La Escuela Superior de Música Reina Sofia s'est imposée comme une référence européenne et mondiale. Quels sont les secrets d'un tel succès ?

Notre fondatrice, Madame Paloma O'Shea, a établi certains principes pédagogiques que nous appliquons depuis le début (en 1991) et jusqu'aujourd'hui : le mérite est la seule condition requise pour entrer à l'école, que ce soit en tant que professeur ou en tant qu'élève (les auditions sont la seule façon d'intégrer l’école) ; la scène est un prolongement de la classe (nous organisons plus de 300 concerts par an pour nos 150 élèves) ; la liberté académique est de rigueur (les professeurs sont libres de concevoir des plans académiques personnalisés pour chaque élève) et aucune personne douée n'est laissé de côté pour des raisons économiques. Le succès de l'école et son prestige international sont le résultat de près de 30 ans de respect de ces principes.

L'Escuela Superior de Música Reina est très ouverte sur le monde et la société. Pour vous, quelles sont les caractéristiques idéales de l'artiste du XXIe siècle ? Quelles sont les compétences qu'il doit acquérir et développer ?

Le rythme des changements dans le monde d'aujourd'hui est époustouflant et cela impacte naturellement le monde de la musique. Personne ne sait exactement où ce changement nous mène, mais nous sommes sûrs que les jeunes musiciens doivent être prêts à faire face à des circonstances imprévues. Afin de les aider à comprendre les différents aspects du monde de la musique, à ouvrir leur esprit et à être prêts à trouver, si nécessaire, leurs propres moyens pour diffuser leur musique, nous avons mis en place un programme d'entrepreneuriat et d'innovation. C'était difficile au début, mais maintenant, 4 ans après le début du projet, nous (et plus précisément les étudiants !) sommes ravis des résultats.

Magies sonores au Festival Manca de Nice

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Le Festival Manca est un rendez-vous phare du Sud-Est de la France. Pour sa 40ème édition, la manifestation niçoise devait affronter deux obstacles de taille : le premier, l’alerte rouge aux intempéries, a provoqué le report d’un spectacle, et le second, la grève liée à la réforme des retraites, n’a en revanche entraîné aucun encombre, signe de l’engagement de la part des musiciens et du public niçois dans la création musicale contemporaine.

Grâce à une politique de partenariats, le festival a pu rayonner dans les grandes institutions de la ville (Conservatoire, Théâtre national de Nice, Opéra de Nice…) comme dans de nouveaux lieux (L’Artistique). La programmation de l’édition 2019 reste fidèle aux fondamentaux impulsés par son directeur, le compositeur François Paris. Tout d’abord, un travail sur l’électronique et la lutherie informatique réalisé au CIRM de Nice, comme en témoignait la très intrigante création de Slow Down-Stoned music de Francis Faber pour instruments numériques (répondant aux noms étranges et savoureux de seabord et sylphyo) par les étudiants du Conservatoire de Nice dirigés par Amaro Sampedro Lopez. Le concert de l’Ensemble marseillais C Barré était un modèle du genre. Le programme débutait par l’envoûtant Tombeau de Manuel de Falla composé à la mémoire de Debussy, suivi de Tellur de Tristan Murail, toujours interprété par le guitariste Thomas Keck. Ecrite en 1977, cette pièce d’obédience spectrale contourne les sons brefs et pincés de la guitare pour créer un continuum sonore grâce à la technique flamenciste du rasgueado. Le résultat, poétique et puissant, est un magnifique renouvellement des possibilités de l’instrument et un jalon majeur du répertoire pour guitare. L’Ensemble C Barré faisait ensuite entendre une disposition magnifiquement insolite : cymbalum, guitare, harpe et contrebasse. Deux pièces de jeunes compositeurs avec électronique poursuivaient l’héritage spectral puisque tous deux ont été élèves de Murail. La première, Trace – écart  de l’Espagno-Chilien Francisco Alvarado, est un laboratoire d’idées et d’envies à l’enthousiasme contagieux mais au résultat relativement impersonnel. La deuxième, du Nicaraguayen Gabriel José Bolanos, promettait de faire entendre l’environnement sonore du volcan Monbacho. Ce projet géographique intime, aux textures organiques et raffinées, est cependant contrarié par des réminiscences parfois scolaires du Boulez de Répons et du Grisey des Quatre chants pour franchir le seuil  (Berceuse). Le sommet de la soirée sera atteint finalement par l’une des œuvres qui a présidé à la création de l’Ensemble C Barré dirigé par Sébastien Boin. Première œuvre à imaginer cette disposition extrêmement originale, Sul Segno de Yan Maresz mêle une écriture soliste idiomatique pour chacun des instruments et une conduite très maîtrisée du discours, parvenant à de somptueux moments de fusion poétique. Sul Segno a ouvert de nombreuses pistes que d’autres compositeurs ont poursuivies après lui. C’est ce qu’on appelle un chef d’œuvre.