Mots-clé : Flore van Meerssche

Au Festival de Salzbourg 2022

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Cette année, les Salzburger Festspiele ont à nouveau pu présenter un riche programme de concerts, récitals, opéra et théâtre, un soulagement après les problèmes et restrictions de l’année précédente. Six productions scéniques et deux versions de concert étaient à l’affiche. Dans les distributions, à côté de noms illustres, de jeunes chanteurs participant au «Young Singers Project», qui suivent des Masterclasses et ont été choisis pour faire partie de l’ensemble. C’était le cas de la soprano belge Flore Van Meerssche qui a été distribuée en « sacerdotessa » dans la production d’Aida (Verdi) dirigée d’ailleurs par Alain Altinoglu, le directeur musical de la Monnaie.

Cette Aida était une reprise de la production de 2017 dans une mise en scène de Shirin Neshat, une artiste iranienne (photographe, vidéaste), avec des décors abstraits de Christian Schmidt. Pas d’évocation de l’Egypte des pharaons, mais un monde oriental plutôt islamique, sévère et fermé, avec des femmes voilées, des hommes insolents et effrontés qui terrorisent même la Cour de la Princesse Amneris,(sur la musique des petits esclaves maures !) et des blocs de prêtres immobiles avec de longues barbes blanches. Des projections réalisées par la photographe Neshat illustrent le contexte d’Aida, qui ne correspond pas au livret de l’opéra, et la mise en scène et la caractérisation des personnages restent trop sommaires. Pas étonnant qu’Erwin Schrott fasse régulièrement sortir le grand prêtre Ramfis des rangs ! Vocalement un peu plus de discipline aurait été préférable. Rien à reprocher à Roberto Tagliavini qui donnait au Roi noblesse vocale et autorité. Piotr Beczala débutait en Radames et donnait une belle allure au jeune guerrier. Vocalement, le rôle était brillamment interprété et il terminait « Celeste Aida » tout en nuances comme Verdi l’avait souhaité ! Elena Stikhina offrait à Aida une voix souple et expressive, de belles nuances et de l’émotion. Belle prestation d’Eve-Maud Hubeaux dans le rôle d’Amneris : allure royale, voix ample et expressive et interprétation captivante. Luca Salsi campait un Amonasro vaillant. Dans sa brève intervention de la sacerdotessa du temple, Flore Van Meerssche donnait à entendre une voix limpide et pure. C’est Alain Altinoglu, le directeur musical de la Monnaie, qui dirigeait le Wiener Philharmoniker dans une exécution subtile et dynamique, pleine de nuances et de couleurs, avec un soin remarquable pour les chanteurs et un grand souffle dramatique.    

Il Trittico de Puccini avait droit à sa toute première présentation au Festival de Salzburg, sous la direction musicale de Franz Welser-Möst et dans une mise en scène de Christof Loy. Il se présentait d’emblée comme la production la plus populaire du festival. Certainement aussi grâce à la présence dans les trois operas d’Asmik Grigorian, la soprano lituanienne qui est la nouvelle star du Festival. Loy choisit de ne pas présenter les trois opéras Il Tabarro, Suor Angelica et Gianni Schicchi dans l’ordre habituel. La soirée débutait avec Gianni Schicchi sous forme d’une farce burlesque pour finir avec Suor Angelica, prisonnière dans un cloitre strict, enfermée entre des murs gris qui bannissent le soleil et la verdure, quasiment sans chaleur humaine.

11e concours international chant-piano Nadia et Lili Boulanger : Un palmarès en demi-teinte

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Il arrive qu’un Palmarès laisse perplexe. En l’occurrence, il semblait évident, dès son apparition, que le baryton néerlandais Vincent Kusters ne concourait pas dans la même catégorie que les autres. De son interprétation de La Vie antérieure (Baudelaire/Duparc) ruisselante de lumière jusqu’au déchirant Cantar ! de Granados, en passant par les Lieder de Schumann, Schubert, Mahler et Strauss ou la mélodie hébraïque de Darius Milhaud (Séparation), il subjuguait l’auditoire parvenant à transcender un art du chant accompli, une diction irréprochable, une fine sensibilité au profit de la seule expressivité. Artiste complet (pianiste et organiste), étranger au sérail parisien ce qui lui a peut-être manqué, il suscitera certainement l’intérêt des organisateurs, mécènes et mélomanes. Ce ne fut pas l’avis du Jury.

Le Grand Prix a donc été décerné cette année à Axelle Fanyo et Adriano Spampanato. Déjà lauréate de nombreux concours, la soprano d’origine togolaise et antillaise, native de Seine-Saint-Denis, faisait son entrée en finale telle Madame Butterfly drapée dans un tissus chamarré -en harmonie avec un beau timbre cuivré ; la tessiture se révélait aussi longue qu’homogène, soutenue par une émission et une diction précises. Si de telles qualités lui assurent de futures réussites, l’éclectisme la mettait ici en difficulté de style voire de goût (Bolcom). Les pages de Lili Boulanger, Duparc ou Haydn manquaient de clarté et de simplicité tandis que le toucher précis, frêle et sensible du pianiste franco-italien se trouvait en déséquilibre avec une texture vocale quasi wagnérienne.

Le Prix de Lied est revenu au jeune baryton-basse français Adrien Fournaison (26 ans). Après une demi-finale assez terne, il parvenait à mettre en valeur des moyens vocaux aussi incontestables que prometteurs, une diction soignée, épaulé par le jeu chatoyant de la pianiste biélorusse Natalia Yeliseyeva. Altier dans la mort de Don Quichotte (Ibert), effleurant, sans y plonger, le versant vénéneux propre à la mélodie française (Dans l’immense tristesse de Lili Boulanger), il lui reste à investir plus personnellement des univers esthétiques complexes.