Mots-clé : Frank Beermann

A l’Opéra de Lausanne, Tint… Tamino au Tibet

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Dans la Note d’intention figurant dans le programme de cette nouvelle production de Die Zauberflöte, Eric Vigié qui en a conçu la mise en scène et les costumes écrit : « Cet opéra reste en premier lieu un conte merveilleux destiné à divertir, émerveiller et donner des pistes de réflexion selon votre sensibilité ». En collaborant avec Mathieu Crescence pour les décors, Denis Foucart pour les lumières et Gianfranco Bianchi pour les vidéos, il privilégie la narration en laissant de côté la dimension initiatique du rituel maçonnique dans un Siècle des Lumières finissant. Échappé des pages de Tintin et le Lotus bleu, ce Tamino explorateur se laisse griser par les bouffées d’opium qui font apparaître une hydre monstrueuse que finiront par abattre les trois suivantes d’une Turandot des forces nocturnes. Hirsute comme un Robinson Crusoé capturant les oisillons, Papageno glisse une note de bonhomie cocasse dans cet univers étouffant où un Monostatos vipérin ose s’en prendre à la vertu d’une Pamina endormie. Surgissant d’une énorme potiche de porcelaine, les trois Enfants en pyjama, qui ont faussé compagnie à Mary Poppins, entraînent le voyageur et son compagnon maugréant vers les cimes enneigées où trois pandas géants croisent le yeti avant de parvenir à une imposante façade qui révèle un Orateur, énigmatique Confucius évoquant un monde idéal où le mal n’a pas de prise. Comme une idole dorée descendant des cintres, apparaîtra un Sarastro siégeant sur une maquette du Potala pour gouverner cette caste des purs à laquelle n’accèdent que les initiés ayant subi de redoutables épreuves. Alors que les forces du mal sont anéanties, l’on ne peut que se gausser des trois Dames ayant tourné casaque pour exhiber le petit livre rouge d’un certain Mao… Et cette fable au premier degré se lit donc avec une logique détachée de toute contextualisation philosophico-moralisatrice.

A Lausanne, de somptueuses Nozze di Figaro 

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Pour ouvrir la saison 2021-2022 de l’Opéra de Lausanne, Eric Vigié, son directeur, table sur un chef-d’œuvre, Le Nozze di Figaro, en proposant la mise en scène que le cinéaste américain James Gray a conçue à la demande du Théâtre des Champs-Elysées. Encensé pour ses grands films Two Lovers en 2008, The Immigrant en 2013, il ne veut pas jouer les modernistes désacralisateurs ; mais il porte son choix sur une esthétique traditionnelle en demandant à son décorateur Santo Loquasto un rideau de scène qui rapproche le couple Figaro-Susanna d’Arlequin et Pantalon de la commedia dell’arte. Puis le rideau se lève sur un palais provincial où un escalier relie la chambre des futurs époux aux appartements du Comte, tandis que le boudoir de la Comtesse est encastré sous une galerie extérieure dont l’envers donnera accès aux salles d’apparat. Et c’est dans une brume nocturne suggérée par les habiles éclairages de Bertrand Couderc que se dessinera la fontaine du jardin où se défera l’imbroglio des fausses apparences. Les costumes magnifiques de Christian Lacroix se réfèrent au premier Goya peintre de cour, en habillant de noir Marcellina et Don Bartolo, Basilio et Don Curzio ainsi que le Comte en représentation, engoncé dans ses brocarts rehaussé d’or comme le Duc d’Osuna, alors que la Comtesse passe d’une tenue matinale vaporeuse à la crinoline de velours rouge galonnée de dentelles. Comme une maja, Susanna harmonise jaune et bleu sous tablier blanc de camériste avant de se parer du blanc nuptial emprunté à la Duchesse d’Alba. Cheveux noués sous filet bourgeonné, Figaro partage la débauche de coloris éclatants avec ses comparses rencontrés sur les bords du Manzanares. Et le pauvre Cherubino semble tellement gauche dans sa jaquette bleue et son pantalon rayé que le spectateur en a pitié, tandis qu’il est continuellement pris à partie par son entourage qui suit à la lettre les directives de Gilles Rico assumant les reprises de la mise en scène, comme il l’a fait à Nancy et au Luxembourg.

A Lausanne, une ARIADNE restituée à l’opéra de chambre

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Une vaste paroi de couleur neutre, trois portes dont celle du milieu s’ouvrant sur un débarras contenant les fusées et feux d’artifice de fin de soirée, le Compositeur et son professeur en complet noir, le Maître à danser, perruque orange sur habit bleu canard, le Perruquier en punk oxygéné, le Majordome en uniforme gris à col Mao, tout ce monde s’agite dans ce Prologue d’Ariadne auf Naxos mise en scène par David Hermann dans des décors de Paul Zoller, des costumes de Michaela Barth, des éclairages de Fabrice Kebour. Mais l’arrivée de Zerbinetta, flanquée de ses partenaires habituels, Harlekin, Scaramuccio, Brighella et Truffaldin, fait aussitôt référence à l’esprit de la ‘commedia dell’arte’ et à ses costumes de tradition.

Une Chauve-Souris festive à Lausanne

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En ombres chinoises, se profile Vienne, la cité impériale avec sa Grande-Roue au Prater. Devant une haute maison en forme de tour qu’escalade un ténor hurlant à tue-tête son amour, est projeté un message-invitation du Dr Falke à Gabriel von Eisenstein, tandis qu’un acrobate chauve-souris se jette dans le vide. C’est ainsi qu’Adriano Sinivia présente cette Fledermaus (chantée en allemand avec les dialogues parlés en français) aussi déjantée que sa Cenerentola de l’automne 2015, en se mettant dans la peau d’un Falke ridiculisé par son accoutrement de mammifère volant, qui ne songe qu’à se venger de son compère.