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Donaueschinger Musiktage : le chemin s’élargit encore

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La musique est partout

C’est une façon douce de s’insinuer dans le festival, au Museum Art.Plus, à la lisière de la ville, sous un soleil et une température qu’on aurait qualifiés d’indécents si l’on n’avait pas, depuis, saisi la portée des mots « réchauffement » et « climatique », dangereusement accolés l’un à l’autre : n’empêche, arrivé la veille à Trossingen, logé dans une des chambres aménagées dans l’ancienne usine de production d’instruments de musique de l’entreprise Hohner, reconnue à l’origine pour ses harmonicas (la belle Hohner Villa est aujourd’hui un restaurant), après avoir marché à la découverte d’une localité que je ne connais pas, je rejoins le bord de l’eau à Donaueschingen (c’est la confluence de la Breg – gauche – et la Brigach – droite – qui y donne naissance au Danube) et met le nez entre les murs du musée d’art contemporain, qui accueille une performance hybride, entre installation et concert, d’Elsa Biston, artiste sonore française (elle œuvre également à Radio France), qui se fait une spécialité de la résonance des objets.

Fragile, mais possible

Après s’être mis en chaussettes (l’expérience, titrée Aussi fragile que possible, nécessite certaines précautions, dont l’exclusion des vibrateurs perturbateurs – tous souliers relégués dans des boîtes à chaussures tiroirs), deux groupes de 25 personnes prennent place, debout, assis, mi-allongés dans les deux salles du dernier étage (à mi-parcours, les uns cèdent la place aux autres), les yeux, curieux, sur une série d’objets (cymbales, feuilles d’aluminium doré, feuilles mortes, feuilles de papier, feuilles de plastique, maxi boîtes en fer blanc évidées, cartons dépliés, peaux tendues) disposés, dans la première pièce, au ras du sol (dans la seconde, suspendus) et reliés par une toile d’araignée de fin câbles (capteurs…).

Les musiciens de l’ensemble luxembourgeois United Instruments of Lucilin s’immiscent lentement dans le monde de résonance des objets, leurs instruments (flûte, violon, saxophone, percussion – deux par lieu), amplifiés de très près, sursautant au moindre effleurement (Sophie Deshayes touche sa flûte plus qu’elle n’y souffle, Galdric Subirana cajole sa baguette plus qu’il n’en frappe), et guidant, selon un axe fluctuant, les entrées et sorties de résonance des objets qui les entourent – et leurs incessantes interactions vibratiles. L’idée, plutôt réussie, d’Elsa Biston, est, au fond, d’abaisser notre seuil de perception, souvent malmené par des niveaux sonores polluants, de dévoyer le concept de pleine conscience (efficace dans la prévention psychopathologique), en nous incitant à entendre, sans en être envahis mais en lâchant le contrôle, ces sons fragiles qu’elle isole pour nous, qu’elle fait chanter – comme Pierre Henry sa porte et son soupir.

En dehors du concert, plusieurs objets sont manipulables (avec précaution) par le public – le déploiement sonore est à la mesure du temps qu’on y consacre.