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Antony & Cleopatra de John Adams au Liceu

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Pour un critique habitué à divaguer sur les intentions vraisemblables ou supposées de tel ou tel autre compositeur du passé, le fait d’assister à la première européenne d’un opéra avec le compositeur lui-même au pupitre ne peut être qu’une expérience des plus fécondes et surtout très réconfortante. Dans le sillage de Richard Strauss, Manuel de Falla, Ottorino Respighi ou quelques autres qui ont dirigé au Liceu leurs propres œuvres, John Adams a présenté lui-même samedi, avec une énergie admirable pour un homme de 76 ans, son neuvième ouvrage lyrique, basé sur le texte incontournable de Shakespeare. Après avoir traité des sujets brûlants d’actualité comme le terrorisme avec The Death of Klinghoffer, la dissuasion par la peur du nucléaire avec Doctor Atomic ou la complexité des relations internationales avec Nixon in China, ce retour en arrière sur un grand classique n’est pas pour autant une évasion car il traite sans ambages des luttes pour le pouvoir, de l’impérialisme, des régimes dictatoriaux, de la guerre et ses victimes toujours innocentes et, bien sûr, de la séduction sous tous ses aspects. Autant dire que le sujet brûle d’actualité…

John Adams est apparu vers 1975 comme un compositeur « minimaliste ». Et, selon ses propres paroles, par opposition avec la musique d’avant-garde de l’époque : postsérielle et souvent d’une complexité dépassant l’entendement humain, comme certaines œuvres de Boulez, Xenakis, Grisey ou Ferneyough. Ensemble avec Steve Reich, Michael Nyman ou Philipp Glass, ils ont insisté sur le besoin d’une pulsation rythmique compréhensible et aussi sur un retour plus ou moins transparent vers la tonalité. En cela, ils se sont inspirés de la musique « rock », du « jazz » et des artistes populaires américains, en particulier les Noirs comme Ella Fitzgerald ou Aretha Franklin. En se rendant en Europe, Adams était surpris d’écouter partout la musique américaine habituelle : Gleen Miller, Sinatra etc… À l’université, l’influence de Schönberg ou Stravinsky lui avait aussi fait son effet... Mais il ne voulait pas être un compositeur élitiste, écouté uniquement par quelques « élus ». De ces postulats de départ à la réalité d’ Antony & Cleopatra… il y a un long chemin qui nous mène vers une complexité d’écriture croissante. Certes, beaucoup d’éléments rythmiques bien scandés sont présents partout, une tonalité élargie peut être plus ou moins perçue ici et là. Alors que la complexité des volutes mélodiques qu’il tresse pour les lignes de chant et sa féconde imagination orchestrale nous éloignent à des années-lumière d’une quelconque écriture simpliste ou élémentaire, constituant ainsi un ouvrage où l’histoire est racontée avec une redoutable efficacité, les passions humaines trouvant une correspondance orchestrale immédiate, mais dont l’enveloppe musicale est en soi tout un univers extrêmement alambiqué. Faisons remarquer l’omniprésence du « cymbalum » hongrois qui semble séduire dernièrement le compositeur, joué par une splendide Aleksandra Dzenisenia et aussi une série de gongs asiatiques qui colorent d’un voile d’exotisme un orchestre, somme toute, assez classique. Voici ses mots, à ce propos : « Parfois, j’aime l’acte créatif : c’est comme être un bon jardinier. Le matériau musical en soi-même, les harmonies, les rythmes, les timbres et les « tempi » sont les semences qu’on a plantées. La composition est, à la fin, le travail de les regarder grandir, savoir quand les nourrir, les élaguer ou en arracher les mauvaises herbes »

Une couleur locale technico-technologique : Les Noces de Figaro à l'Opéra de Paris

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Au Palais Garnier, la metteure en scène Netia Jones installe Les Noces de Figaro dans ce que j’appellerais une couleur locale technico-technologique. Louis Langrée, avec l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra National de Paris, et les solistes, propose un Mozart inspiré.

Les Noces sont mises en abîme, comme on dit : nous assistons en effet à leurs répétitions, à la façon dont leurs interprètes vivent ce temps-là, avec tout ce qui les unit-désunit, tout ce qui les caractérise, en strict parallélisme avec l’œuvre travaillée. Avec aussi quelques références plutôt soulignées aux harcèlements dont sont victimes de jeunes interprètes de la part de quelques solistes confirmés. Me Too est passé par là. Pourquoi pas. Mais cela n'ajoute pas grand-chose à ce que l’œuvre dit déjà de façon plus subtile.

Surtout, et c’est un imposant dispositif scénographique, Netia Jones envahit l’espace scénique d’images vidéo ne nous cachant rien des données techniques de la représentation, avec aussi quelques-uns des textes à chanter. Nous n’ignorerons rien des longueurs-largeurs-hauteurs des différents dispositifs. De temps à autre, ce sont des ombres qui sont projetées, nous suggérant la réalité plus crue des attitudes plus ou moins contrôlées vécues sur le plateau. 

Le problème est que tout cela, qui est sans doute techniquement virtuose, n’a guère d’impact dramaturgique. Régulièrement, les interprètes se retrouvent coincés en file au bord du plateau à cause d’un panneau informatif descendu des cintres, ou éloignés l’un de l’autre parce que chacun est dans une « loge » différente. Ce qui, par exemple, prive de toute sa force comique la fameuse scène de la reconnaissance : « sua madre, suo padre ». 

Simon Rattle et Leoš Janáček

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Leoš Janáček (1854-1928) : La petite renarde rusée, opéra en trois actes ; Sinfonietta. Lucy Crowe (La renarde), Gerald Finley (Le garde-chasse), Sophia Burgos (Le renard), Peter Hoare (L‘instituteur), Jan Martinik (Le curé), etc. London Symphony Chorus, LSO Discovery Voices, London Symphony Orchestra, direction Sir Simon Rattle. 2018-2019. Notice en anglais, en français et en allemand. Texte du livret en tchèque, avec traduction anglaise. 119.37. Un album de 2 SACD LSO0850.

Rossini l'emporte sur Michieletto

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Guillaume Tell de Rossini 
Le nouvelle production de “Guillaume Tell » au Royal Opera de Londres où le « grand opéra » de Rossini n’avait plus été joué depuis 1992, a causé bien des remous. Une scène d’agression et de viol avait tellement choqué une part du public lors de la générale qu’il y avait eu des réactions violentes pendant le spectacle, ce qui ne s’était apparemment jamais passé au Covent Garden et plein de commentaires après. La direction a défendu la mise en scène mais a quand même accepté d’apporter quelques adaptations. Quand j’ai vu le spectacle la jeune femme violentée n’était plus nue mais enveloppée dans une grande nappe et le public est resté calme.