Une couleur locale technico-technologique : Les Noces de Figaro à l'Opéra de Paris

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Au Palais Garnier, la metteure en scène Netia Jones installe Les Noces de Figaro dans ce que j’appellerais une couleur locale technico-technologique. Louis Langrée, avec l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra National de Paris, et les solistes, propose un Mozart inspiré.

Les Noces sont mises en abîme, comme on dit : nous assistons en effet à leurs répétitions, à la façon dont leurs interprètes vivent ce temps-là, avec tout ce qui les unit-désunit, tout ce qui les caractérise, en strict parallélisme avec l’œuvre travaillée. Avec aussi quelques références plutôt soulignées aux harcèlements dont sont victimes de jeunes interprètes de la part de quelques solistes confirmés. Me Too est passé par là. Pourquoi pas. Mais cela n'ajoute pas grand-chose à ce que l’œuvre dit déjà de façon plus subtile.

Surtout, et c’est un imposant dispositif scénographique, Netia Jones envahit l’espace scénique d’images vidéo ne nous cachant rien des données techniques de la représentation, avec aussi quelques-uns des textes à chanter. Nous n’ignorerons rien des longueurs-largeurs-hauteurs des différents dispositifs. De temps à autre, ce sont des ombres qui sont projetées, nous suggérant la réalité plus crue des attitudes plus ou moins contrôlées vécues sur le plateau. 

Le problème est que tout cela, qui est sans doute techniquement virtuose, n’a guère d’impact dramaturgique. Régulièrement, les interprètes se retrouvent coincés en file au bord du plateau à cause d’un panneau informatif descendu des cintres, ou éloignés l’un de l’autre parce que chacun est dans une « loge » différente. Ce qui, par exemple, prive de toute sa force comique la fameuse scène de la reconnaissance : « sua madre, suo padre ». 

Netia Jones a aussi décidé de modifier la fin de l’œuvre : la Comtesse, retirant son alliance et quittant le plateau d’un pas décidé, ne pardonne pas au Comte. On peut être perplexe.

Ceci encore, qui m’a paru cruel : un grand panneau vidéo annonce : « Air de Marcelline – coupé » au moment où Sophie Koch, qui est justement cette Marcelline, traverse le plateau. Oui elle est là, non elle ne chantera pas ! Les jeunes villageoises, traditionnellement chantées par les femmes du chœur, sont incarnées par de jeunes danseuses du ballet de l’Opéra. Pourquoi pas, mais cela disperse l’attention entre elles qui dansent à cour et le chœur féminin, réduit, qui de toute façon doit chanter à jardin. 

Heureusement, comme on dit, la musique est belle, et s’impose ! Louis Langrée fait chanter, danser, rire et pleurer son Mozart, mettant bien en évidence sa superbe alternance de drôlerie et d’émotion intense. Quant aux interprètes, pourtant privés des « rampes de lancement » que leur offrent certaines mises en scène plus concentrées, ils donnent bonne vie à leurs savoureux personnages, que ce soit Gerald Finley en Comte Almaviva, Luca Pisaroni en Figaro et Jeanine De Bique en Susanna. Rachel Frenkel-Cherubino et Ilanah Lobel-Torres-Barbarina sont les jeunes personnages attendus. Miah Persson, La Comtesse, m'a moins convaincu. Quant à Sophie Koch, Marcellina, James Creswell, Bartolo, Eric Huchet, Don Bazilio, Christophe Mortagne, Don Curzio et Franck Leguérinel, Antonio, ils sont les justes comparses de ce délicieux -quoique révélateur- « jeu de l’amour et (pas) du hasard ».

Stéphane Gilbart

Paris, Palais Garnier, le 25 novembre 2022  

Crédits photographiques : Photo Charles Duprat / ONP

 

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