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Avec le vibrant Here’s the woman!, Jean-Luc Fafchamps enthousiasme la Monnaie

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Quand on investit la salle Malibran, au sixième étage des Ateliers de la Monnaie, recrachés hors de l’ascenseur dimensionné comme un monte-charge, déjà quelque chose se passe sur la scène qui n’en est pas vraiment une : deux hôtesses et un hôte, aux tailleurs et costume bleus et stricts, évoquant la bonhomie stylée de la Sabena époque Atomium, font face au public -qui bruisse de l’excitation avant ce qu’on pressent comme un événement. Chacun prend place pour la première de Is this the end? #2 - focalisé, après Dead Little Girl, premier volet (sur trois) dédié à l’Adolescente, créé en septembre 2020 (et livestreamé pour cause de C…)-, sur la Femme, rouge et atmosphérique. Soulignant d’invites répétées les phrases défilant au bas de l’élément central du triptyque, articulation unique du décor, pour l’heure figurant les tuyaux illuminés de l’orgue, les hôtes en bleu (et bientôt en gants blancs -à l’occasion index dressés) endossent le rôle d’ironiques maîtres de cérémonie, tour à tour poteaux indicateurs, machinistes, pourvoyeurs d’émotion, aussi dérisoires qu’essentiels.

Grandes orgues virtuelles donc, au jeu mimé par le compositeur en redingote étincelante qui ouvre le rideau, dos à l’audience, mains virevoltant dans l’espace, puissance sonore restituée en soundscape pour un effet immersif. Car, dans le désordre pandémique, il a fallu à nouveau s’adapter, même si Here’s the woman! bénéficie cette fois d’un public parfaitement humain et présent en nombre : l’orgue, l’orchestre et les chœurs sont enregistrés et les chanteurs sont le biotope vivant d’un opéra qui s’échappe de l’ordinaire à plusieurs titres et fait de la contrainte une redoutable opportunité créative.

Is this the End ? Or not.

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Ces 12 et 13 septembre 2020, au Théâtre Royal de La Monnaie, s’est tenue la création mondiale de Is this the end ?, un Pop-Requiem de Jean-Luc Fafchamps sur un livret d’Éric Brucher. Les règles dictant les conditions sanitaires ne permettent toujours pas aux publics nombreux d’accéder aux salles. C’est donc à un spectacle scénico-filmique que le spectateur a eu l’occasion d’assister en livestreaming, grâce au travail d’Ingrid von Wantoch Rekowski à la mise en scène et de Jean Claude Wouters à la réalisation, ainsi qu’à l’investissement de tous les artistes et de tous les techniciens derrière cette entreprise de grande envergure. Car s’il s’agit là d’une expérience surprenante défiant une nouvelle réalité vécue à l’échelle planétaire, l’exécution du projet de La Monnaie repousse loin, on peut le dire, les limites du spectacle. Cet opéra ne se contente pas d’allier la scène théâtrale et la musique, ce qui est le propre de cet art total. Il met en dialogue l’interprétation live de la partition sur le plateau (dans le respect scrupuleux des consignes sanitaires) avec un film, dont il faut souligner la qualité du tournage et qui dévoile les coulisses, les couloirs, des zones inconnues du public et des points de vue inédits de cette maison d’opéra mythique. La production, innovante et atypique à plus d’un égard, questionne ainsi le monde avec une contemporanéité qui n’a sans doute jamais autant interpellé.