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Roland Hayrabedian, dans les jardins de la musique de notre temps 

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Personnalité majeure de la musique vocale en France, Roland Hayrabedian est le fondateur et le directeur artistique de l’ensemble vocal Musicatreize. Cet ensemble, basé à Marseille, porte haut la musique vocale et la création contemporaine. Crescendo Magazine rencontre cet infatigable défenseur de la musique de temps.  

Votre nouvel album est intégralement consacré à des œuvres de Michel Petrossian. C’est un musicien qui vous accompagne à Musicatreize depuis plusieurs années. Qu’est-ce qui vous a poussé à lui consacrer une monographie ? 

Je pense que les œuvres de Michel Petrossian méritaient d’être enregistrées. Nous avions créé un nombre de pièces suffisant pour remplir un disque mais, surtout, ces pièces ont un attrait singulier. Elles portent en elles les traces de l’humanité toute entière, elles montrent comment le détail d’une épigraphe sur un mur dressé plusieurs millénaires auparavant nous touche par son actualité. Ces œuvres nous relient aux jardins enfouis dans nos mémoires…Une main tendue vers les autres…

Comment avez-vous choisi les pièces proposées sur cet album ?

Le plus simplement du monde : ce sont celles dont nous disposions, écrites pour nous, hormis Le chant d’Archak, grande fresque vocale et instrumentale sur un livret de Laurent Gaudé que nous avons créé en Arménie. Cette œuvre d’une heure ne pouvait être contenue sur ce disque.

Dans votre discographie avec votre ensemble  Musicatreize, on remarque principalement des albums monographiques centrés sur un compositeur. La monographie est-elle pour vous la meilleure manière d'aborder un compositeur ? 

Je pense que c’est le meilleur moyen de rendre hommage à un compositeur et c’est souvent l’aboutissement d’un compagnonnage de plusieurs années. J’aime cette fidélité et que les projets naissent d’échanges et d’amitiés avec les compositeurs. J’aime approfondir les langages, suivre des chemins inexplorés, inventer les projets autour d’un verre ! 

Cette année 2022 voyait le Centenaire de la naissance de Xenakis. Vous avez célébré cet évènement avec des concerts en France et en Europe. Quelle est pour vous la place de ce compositeur dans l’histoire de la musique ? En quoi sa musique peut-elle encore nous toucher ? 

Il me semble que la musique de Xenakis ne cessera jamais de nous toucher. Elle porte en elle toute la rage, la sauvagerie du monde, elle invente un nouvel univers tout autant qu’elle nous rapproche des millénaires qui nous ont précédés. Cette musique m’est nécessaire, elle nous est nécessaire, se confronter à elle, c’est se confronter à la vie, à la nature, à nos rêves comme nos cauchemars.

 Lors de concerts, vous avez dirigé Oresteia, l’une de ses œuvres les plus impressionnantes. Qu’est-ce qui vous a poussé à programmer cette œuvre ? 

J’ai participé au Polytope de Mycènes. C’est ainsi que j’ai travaillé cette œuvre pour la première fois en 1978. Depuis, elle ne me quitte plus. Xenakis, à travers cette œuvre, réinvente la tragédie grecque, il lui donne, s’il en était besoin, un élan vital, une dimension universelle indéniable.

Jours heureux au Festival Enescu de Bucarest (1) : la musique contemporaine

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Du 31 août au 22 septembre, le Festival Enescu de Bucarest offre un programme éblouissant. De par le prestige de ses interprètes, il faut le répéter car la manifestation reste relativement méconnue, le festival roumain s’affirme, au même titre que Lucerne ou Salzbourg, comme l’un des grands rendez-vous musicaux européens.

Dans la pléthorique programmation, la musique contemporaine tire naturellement son épingle du jeu. Trois orchestres roumains présentaient des concerts exclusivement consacrés à la musique du XXIe siècle. Première formation à entrer en scène : le Moldova Philharmonic Orchestra de Iasi. Sous la direction de l’inattendu chef américain Brad Lubman, l’orchestre de la deuxième ville roumaine proposait un programme d’obédience post-sérielle, tout au moins dont la figure de référence implicite serait Pierre Boulez. Interprété par Ilya Gringolts, le Concerto pour violon de Michael Jarrell ne fait hélas pas oublier le douloureux souvenir qu’a laissé Bérénice à l’Opéra de Paris. Intitulée « Paysages avec figures absentes », l’œuvre témoigne d’une disposition originale : les « figures absentes », ce sont ici les sièges vides des violons de l’orchestre. Malgré les habituelles qualités du compositeur suisse (écriture nerveuse et incisive de la partie soliste, impressionnantes scansions percussives), l’œuvre reste grise, systématique et laborieuse à écouter. Donné en introduction, Tempo 80 du roumain Câlin Ioachimescu peinait également à convaincre. D’une lenteur assumée, la pièce entrechoque des masses sonores, sans ajouter un surplus de personnalité musicale.