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« Ravel et l’Espagne » par Les Siècles : des couleurs et du théâtre

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Ce concert risque malheureusement de rester dans les mémoires davantage comme étant le premier que François-Xavier Roth aura été contraint de renoncer à diriger, par suite de l’article « Un chef d'orchestre qui mène son monde à la braguette » paru le matin même dans Le Canard Enchaîné, que pour son contenu musical propre, pourtant réel.

Qui n’aurait pas su tout cela ne l’aurait sans doute pas soupçonné lors de ce concert. Les Siècles ont été fondés en 2003. Les musiciens, inévitablement bouleversés (ne serait-ce que parce que cela fragilise grandement leur avenir professionnel), étaient souriants, particulièrement avenants vis-à-vis d’Adrien Perruchon (qui malgré une brillante carrière ne fait pourtant pas toujours l’unanimité auprès des instrumentistes qu’il dirige). Sans doute lui étaient-ils reconnaissants d’avoir pu assurer ainsi, au pied levé, la direction de ce concert, sans en changer le programme, et surtout en donnant une impression d’aisance remarquable étant donné le contexte. Et, en effet, il faut saluer cette performance.

Ravel et L'Espagne, donc. L’idée est on ne peut plus pertinente, quand on sait à quel point ce pays a influencé le compositeur. À vrai dire, il faudrait plutôt parler de l’idée qu’il s’en faisait, à travers, notamment, les très nombreux musiciens espagnols qui venaient en France à cette époque. Car Ravel n’est allé en Espagne qu’à l’approche de la cinquantaine, bien après avoir écrit presque toutes les œuvres de ce concert (à l’exception du Bolero). 

La première partie, purement instrumentale, commençait par Alborada del Gracioso. Les cordes, très présentes, donnent une sonorité un peu massive à la pièce. Malgré la plus extrême liberté laissé au basson dans ses solos, cette « Aubade du bouffon » a un peu de mal à décoller.

La princesse de Trébizonde de Jacques Offenbach

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Jacques Offenbach (1819-1880) : La Princesse de Trébizonde opéra bouffe en trois actes.  Virginie Verrez, Prince Raphaël ; Anne-Catherine Gillet, Zanetta ; Antoinette Dennefeld, Régina ; Katia Ledoux, Paola ; Josh Lovell, Prince Casimir ; Christophe Gay, Cabricio ; Loïc Félix ; Sparadrap - Le directeur de la loterie ; Christophe Mortagne, Trémolini. Opera Rara Chorus, chef des chœurs ; Stephen Harris ; London Philharmonic Orchestra, Paul Daniel. 2023. Livret en anglais. Synopsis. Texte chanté en français - traduction en anglais. 2 CD Opera Rara. ORC 63. 

Un bonheur perpétué, un bonheur renouvelé : Carmen  de Georges Bizet à l'Opéra de Paris

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A Paris Bastille, Carmen triomphe, suscite l’enthousiasme -elle restera heureusement à l’affiche jusqu’au 25 février prochain. Découvrir ou revoir cet opéra est toujours un bonheur, d’autant plus dans la mise en scène, réellement devenue historique, de Calixto Bieito. D’autant plus encore quand elle est servie par de pareils interprètes.

Et pourtant voilà une partition plutôt mal accueillie à l’Opéra-Comique lors de sa création en 1875 (mais pour toute une série de raisons liées au temps et à ses conventions-convictions). Depuis, elle s’est absolument imposée. Ainsi, cette saison, elle fera l’objet de 120 productions et sera représentée 604 fois partout dans le monde ! Représentée devant des salles combles, aux publics bien plus hétérogènes que d’habitude. 

C’est évidemment lié à son intrigue, qui nous confronte à Carmen, une femme éprise de liberté, dût-elle en mourir : « je suis née libre, je mourrai libre » ; une femme dont les revendications-aspirations semblent avoir encore davantage d’échos aujourd’hui. Une intrigue qui conjugue scènes de foule et face-à-face d’extrême intensité, qui multiplie les tonalités, qui se fait tragédie inéluctable. C’est bien sûr lié à une partition dont on ne peut oublier les airs une fois qu’on les a entendus (comme me le disait ma jeune voisine de rangée : « Je ne connais pas ˊCarmenˊ, mais je la connais ! J’ai reconnu ses airs entendus déjà ici ou là »). Une partition de « couleur locale », si espagnole dirait-on, alors que, rappelons-le, Bizet n’a jamais mis les pieds en Espagne. Carmen fascine et n’a pas fini de fasciner.

Surtout quand elle est mise en scène comme elle l’est par Calixto Bieito. Et pourtant : savez-vous que cette mise en scène a été créée en 1999 ! Elle s’est imposée dans le monde entier, reprise et encore reprise. A l’Opéra de Paris, j’ai assisté à sa 44e représentation.