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Les quatre ailes de Marie Trautmann-Jaëll (III)

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Troisième et dernière partie du dossier Marie Jaëll par Anne-Marie Polome : Marie Jaëll, maillon d’une longue chaîne musicale pianistique

Le 20 novembre 1916, Marie Jaëll écrit à son élève Catherine Pozzi (1882-1934) : Mon œuvre est terminée, elle se termine dans un rayonnement prodigieux que vous connaîtrez un jour ou l’autre. Ce rayonnement dépasse grandement notre beau rêve ! Il faut maintenant songer à la propagation.

Transmise de professeur à élève, sa méthode se répand et elle est parfois associée à l’approche pédagogique de Maria Montessori (1870-1952) qui se base sur la connaissance du développement psychologique de l’enfant et le respect de ses lois.

Marie Jaëll est un professeur très exigeant, une lettre de Catherine Pozzi en témoigne : Elle parle doucement, comme tous ceux qui ont le respect de ce qu’ils disent, mais quand on joue du piano devant elle et que c’est mal, elle se met à crier, d’une force étonnante et avec ses mains sur les vôtres, partout à la fois, les tirant, les torturant, pour leur imprimer l’adaptation juste et, le tonnerre de sa bouche commandant à toutes vos facultés ensemble, c’est une pythie redoutable et puissante, inspirée de Dieu.

Les quatre ailes de Marie Trautmann-Jaëll (II)

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Seconde partie du dossier Marie Jaëll par Anne-Marie Polome

Ses écrits

Marie Jaëll tient un premier Journal de 1871 à 1882, de la fin de la guerre à la mort de son époux, puis un second commencé lors de son premier séjour à Weimar, près de chez Liszt (1883-1884), et consigné dans le Cahier Vert offert par le musicien qu’elle associe ainsi à ses réflexions.  Son abondant courrier est conservé à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg.  De 1904 à sa mort, elle note, dans ses Cahiers de Travail, ses réflexions profondes sur l’approche esthétique du piano, la pédagogie musicale, ses recherches scientifiques, le tout agrémenté de remarques pertinentes.  Ces écrits confirment que, toute sa vie, Marie a énormément médité. On pourrait dire qu’elle a fait de l’introspection et sa foi en Dieu est inébranlable. 

En 1871, elle note : Je joue merveilleusement mais je n’y suis pour rien, pourtant ce sont là les véritables artistes. Leur science ne vient pas de l’homme mais de Dieu. Puis : J’ai été heureuse de voir que dans l’art, je cherche plus à progresser qu’à plaire. Et en 1883 : Oui, j’adore passionnément jouer du piano. C’est une des plus grandes joies de ma vie. C’est beau, c’est beau de sentir qu’on fait passer toute son âme à travers ces touches d’ivoire, c’est beau de l’entendre vibrer et de sentir qu’elle fait vibrer d’autres âmes.  

Cette recherche perpétuelle de l’amélioration et cette passion qu’elle veut transmettre généreusement vont l’amener à élaborer une nouvelle manière de toucher le clavier du piano et, par là, l’âme de l’auditeur.

Les quatre ailes de Marie Trautmann-Jaëll (I)

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Suite de notre série consacrée aux compositrices du XIXe siècle sous la plume Anne-Marie Polomé. Cette nouvelle série d'article est dédiée à Marie Trautmann-Jaëll.  Comment une Alsacienne née au XIXe siècle déploie « quatre ailes »  : pianiste virtuose, épistolière écrivaine, compositrice inspirée, pédagogue scientifique

Dans certaines familles, la musique semble faire partie des gènes et elle est transmise de génération en génération. Ce n’est pas être le cas pour Marie Jaëll, née Marie Christine Trautmann le 17 août 1846 à Steinseltz, commune du nord de l’Alsace près de la frontière allemande. La musique ne fait pas partie des distractions favorites de ses parents, si on néglige celle qu’ils peuvent entendre au temple et lors des fêtes locales.

La famille

Marie vient d’une famille aisée. Son père Georges Trautmann (1815-1891) est un agriculteur, grand propriétaire terrien qui a valorisé l’utilisation de machines agricoles. Pendant plusieurs années, il est le Maire de Steinseltz où il fait installer plusieurs nouvelles fontaines. En 1846, année de naissance de Marie, le village compte 666 habitants.

Originaire de Steinseltz, sa mère Christine Schopfer (1818-1878), mariée en 1837, est une bourgeoise cultivée qui chérit particulièrement sa petite dernière. Elle invite parfois ses voisins, des paysans aisés, à des soirées de lecture et de discussions auxquelles Caroline, l’aînée des filles, aime participer.