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Des Boréades musicalement magnifiées

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Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Les Boréades, tragédie lyrique en 5 actes. Mise en scène : Barrie Kosky ; Chorégraphies : Otto Pichler ; Décors et costumes : Katrin Lea Tag ; Lumières : Franck Evin. Avec : Hélène Guilmette, Alphise ; Mathias Vidal, Abaris ; Emmanuelle de Negri, Sémire, Amour / Polymnie : Une Nymphe ; Christopher Purves, Borée ; Edwin Crossley-Mercer, Apollon / Adamas ; Sébastien Droy, Calisis ; Yoann Dubruque, Borilée. Choeur et orchestre Le Concert d’Astrée, direction : Emmanuelle Haïm. 2019. NTSC Couleur. 16:9. DVD-9. Format son : PCM 2.0. Sous-titres en : français, anglais et allemand. Durée : 155mn. 1 DVD Erato. 190295050399

Le Prince Igor triomphe de l’Apocalypse soviétique

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Le chef-d’œuvre de Borodine s’inspire d’un poème épique de la fin du XIIe siècle relatant la lutte d’un peuple occupant une partie de l’actuelle Ukraine contre des envahisseurs polovstsiens (turcophones venus du Kazakhstan) précédant les grandes invasions mongoles et tatares. La mise en scène englobe l’épopée médiévale, la confrontation Orient – Occident et l’histoire récente. En les dénudant « à l’os », elle laisse tout l’espace à l’émotion musicale tandis que les héros prennent une envergure symbolique, sacrificielle, voire mystique. Le tout passe par une vision sans complaisance, cruellement réaliste, de l’histoire russe. Le recours à des stéréotypes « compris par tous » (treillis, kalachnikov, béton et autoroute) relève de l’ironie car, en réalité, leur insignifiance délibérée permet de pénétrer sans obstacle contingent au cœur de la condition humaine, en ses ultimes retranchements. 

Au fil des quatre actes (version 1890 -le III étant curieusement remplacé par l’Ouverture, occasion d’une salve d’applaudissements pour l’orchestre, et le second Monologue d’Igor orchestré tout aussi efficacement par Pavel Smelkov étant intégré à l’acte IV), le processus de déchéance remonte inexorablement le cours du temps. La cathédrale d’or surmontée d’une croix laisse place à la dépravation de l’oligarchie mafieuse des années 1990 -excellente composition du Prince jouisseur Galitski (Dmitry Ulyanov)- puis aux geôles staliniennes pour conclure avec la vision d’une populace décervelée couronnant un bouffon. Ce sera à l’épouse aimante (magnifique figure de femme) d’offrir la rédemption au héros avant qu’ils ne s’effacent dans la « perspective perdue » d’une autoroute vide.