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A l’OSR, deux artistes d’exception Kian Soltani et Simone Young

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Pour le dernier concert de la saison 2022-2023 donné tant à Genève qu’à Lausanne, l’Orchestre de la Suisse Romande invite la cheffe australienne Simone Young qui a été autrefois l’invitée régulière de l’Orchestre de Chambre de Lausanne mais qui, depuis juillet 2022, a pris en main les rênes du Sydney Symphony Orchestra. Axé sur deux grandes œuvres, son programme débute par le Concerto pour violoncelle et orchestre composé en 1918 par Edward Elgar qui en dirigea lui-même la création londonienne du 26 octobre 1919 avec Felix Salmond en soliste. 

Dans cet opus 85 en mi mineur, Kian Soltani, violoncelliste autrichien d’origine iranienne, exhibe, à trente ans, une maturité étonnante dès le récitatif initial par un phrasé d’une rare ampleur contrastant avec les fins de phrases rêveusement filées. Simone Young le soutient par un canevas en demi-teintes nostalgiques, obtenant même des vents de l’OSR un réel pianissimo. Les accents pathétiques du développement amènent à un tutti débouchant sur un second motif a tempo moderato où le soliste tisse à fleur de touche d’arachnéennes volutes qui deviendront passaggi virtuoses dans l’Allegro molto. Le bref Adagio, à l’intensité intériorisée, est dominé par un legato éloquent, alors que le Final s’extériorise par de nobles inflexions qui se laissent gagner par une douloureuse résignation avant de parvenir à une conclusion quelque peu abrupte. Mais déferle aussitôt une vague de hourras à laquelle répond Kian Soltani en lui offrant une Sarabande de Bach dont le cantabile est porté par d’expressives doubles cordes.

Dans les égouts : Salomé à l'Opéra de Paris

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Avec cette nouvelle production de Salomé composée par Richard Strauss en 1905, la direction de l’Opéra de Paris anticipait un succès de scandale. Effectivement, la perspective d’accéder, le temps d’une soirée, à un « Pornoland » sado masochiste pouvait séduire le bourgeois dûment averti du « caractère violent et/ou sexuel explicite » de la mise en scène confiée à Lydia Steier, américaine formée en Allemagne.

SI cette nouvelle production ne se distinguait « que » par sa laideur, son indigence, son conformisme, elle relèverait de l’insignifiance. Si elle ne contredisait « que » la partition de Richard Strauss et les pulsions qui s’y affrontent sans jamais se vaincre, elle en éteindrait le chatoiement, les reliefs, la délicatesse. Ce qui est le cas. Mais tout cela reste dans le domaine artistique.

Plus grave : l’inacceptable atteinte portée à la dignité de la femme. .

Comment assister sans réagir aux atteintes sexuelles « vécues » sur le plateau sous les yeux d’une salle entière ? Ce que demande la metteure en scène à l’excellente soprano sud-africaine Elza van der Heever, de faire et de subir en public, n’a rien à voir avec les exigences du rôle -actes d’une autre nature que les excentricités (trapèze volant, contorsions diverses) habituelles.

Rien ni personne ne devrait obliger une chanteuse à se livrer à un long simulacre de masturbation, subir les attouchements « réels » de ses partenaires, s’offrir et participer à de vrais contacts sexuels (lors de pantomimes d’inceste, viols collectifs) qui se terminent dans un bain de sang explicite.

Quant à l’esthétique -mille fois vus, des spasmes vaguement sadiques flottent mollement dans un bocal suspendu : la cour dépravée d’Hérode (John Daszak, débraillé) et d’Herodias (Karita Mattila qui fut une grande Salomé, ici mère maquerelle aux faux seins percés). L’éclairage est glauque, les costumes crapoteux. Le prophète chante sous une dalle de béton. Des éboueurs- liquidateurs engoncés dans des combinaisons jaunes vont et viennent transportant les cadavres démembrés de l’orgie précitée. Le tout sous la surveillance de gardes à kalachnikov. La danse des sept voiles devient une interminable copulation... 

A Genève, une cheffe et un violoncelliste de classe 

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Pour le premier concert de sa saison, le Service Culturel Migros et son directeur artistique, Mischa Damev, ont eu bien du fil à retordre car il a fallu changer trois fois de programme. Dans l’impossibilité de faire venir à Genève Ivan Fischer et l’Orchestre du Festival de Budapest avec le jeune pianiste français Alexandre Kantorow en soliste, ils ont sollicité l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg qui a fini par être lui aussi confiné. Et en dernière ressource, le 20 octobre sur la scène du Victoria Hall, est parvenu l’Orchestre de Chambre de Lausanne sous la direction de la chef australienne Simone Young avec le violoncelliste munichois Daniel Müller-Schott en soliste.

D’emblée vous surprend l’ampleur sonore quasi symphonique qu’affiche la formation dans les tutti fougueux contrastant avec le canevas ourlé accompagnant le Concerto pour violoncelle en la mineur op.129 de Robert Schumann ; Daniel Müller-Schott en aborde les soli dans un son racé, à première vue pas grand, que l’originalité du phrasé réussit à déployer progressivement comme un éventail qu’irisent les subtilités rythmiques. Le Langsam médian se teinte d’une amertume nostalgique qu’émiettera le finale dessiné à la pointe sèche par un jeu nerveux enchaînant les traits rapides, tout en sachant user du ritenuto sur les arpèges conclusifs. Avec une palette de demi-teintes serties d’émotion, il délivre, à titre de bis, un message de sérénité avec l’admirable Cant dels ocells retranscrit par Pablo Casals.

De la maison des morts de Leoš Janáček, un opéra à la sauce Castorf

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Leoš Janáček  (1854-1928) : De la maison des morts, opéra en trois actes. Peter Rose, Evgeniya Sotnikova, Charles Workman, Bo Skovhus, Christian Rieger, Manuel Günther, etc. Chœurs du Bayerische Staatsoper et Bayerisches Staatsorchester, sous la direction de Simone Young. Mise en scène de Frank Castorf. 2020. Résumé de l’intrigue en anglais et en français. Sous-titres en anglais, français, allemand, coréen et japonais. 97.00. DVD (ou Blu-Ray) BelAir BAC 173.

A Genève, un altiste remarquable : Nils Mönkemeyer

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Pour la seconde fois durant la saison 2018-2019, l’Orchestre de la Suisse romande invite l’Orchestre de Chambre de Lausanne placé sous la direction de sa principale cheffe invitée, Simone Young.

Le programme débute par un ouvrage néo-classique d’Igor Stravinsky, le ballet Apollon Musagète, écrit en 1927 à la demande de la mécène Elizabeth Sprague Coolidge pour un festival de musique contemporaine à Washington puis chorégraphié par George Balanchine pour les Ballets Russes qui le présentèrent à Paris au Théâtre Sarah-Bernhardt le 12 juin 1928. Imaginé comme un ‘ballet blanc’ aux lignes épurées à l’instar des marbres de l’Antiquité, le mince argument évoque la naissance du dieu soleil qui, devenu adolescent,  inspire trois des muses, Calliope, Polymnie et Terpsichore, pour les conduire au Parnasse. Et cette sobriété transparaît dans l’effectif orchestral qui ne comporte que le registre des cordes. D’emblée, la baguette de Simone Young dessine de fines arabesques pour en exploiter la veine lyrique, tout en prêtant un caractère primesautier au concertino élaboré par le premier et le second violon et le violoncelle solo qui joue la carte de la séduction. Par des tutti à l’arrachée, la Variation d’Apollon impose  une solennité qui s’estompera dans les inflexions suaves d’un pas de deux avec Terpsichore, Muse de la Danse. Et la coda ne sera plus que fringante envolée avec un clin d’œil attendri à ce dieu que l’on a vu naître.