A l’OSR, deux artistes d’exception Kian Soltani et Simone Young

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Pour le dernier concert de la saison 2022-2023 donné tant à Genève qu’à Lausanne, l’Orchestre de la Suisse Romande invite la cheffe australienne Simone Young qui a été autrefois l’invitée régulière de l’Orchestre de Chambre de Lausanne mais qui, depuis juillet 2022, a pris en main les rênes du Sydney Symphony Orchestra. Axé sur deux grandes œuvres, son programme débute par le Concerto pour violoncelle et orchestre composé en 1918 par Edward Elgar qui en dirigea lui-même la création londonienne du 26 octobre 1919 avec Felix Salmond en soliste. 

Dans cet opus 85 en mi mineur, Kian Soltani, violoncelliste autrichien d’origine iranienne, exhibe, à trente ans, une maturité étonnante dès le récitatif initial par un phrasé d’une rare ampleur contrastant avec les fins de phrases rêveusement filées. Simone Young le soutient par un canevas en demi-teintes nostalgiques, obtenant même des vents de l’OSR un réel pianissimo. Les accents pathétiques du développement amènent à un tutti débouchant sur un second motif a tempo moderato où le soliste tisse à fleur de touche d’arachnéennes volutes qui deviendront passaggi virtuoses dans l’Allegro molto. Le bref Adagio, à l’intensité intériorisée, est dominé par un legato éloquent, alors que le Final s’extériorise par de nobles inflexions qui se laissent gagner par une douloureuse résignation avant de parvenir à une conclusion quelque peu abrupte. Mais déferle aussitôt une vague de hourras à laquelle répond Kian Soltani en lui offrant une Sarabande de Bach dont le cantabile est porté par d’expressives doubles cordes.

En seconde partie, Simone Young propose le Concerto pour orchestre de Béla Bartók, écrit aux abords de New York en 1943 et créé à Carnegie Hall le 1er décembre 1944 par Serge Koussevitzky et l’Orchestre Symphonique de Boston. Par un murmure des cordes presque imperceptible laissant échapper une flûte filandreuse, l’Introduzione s’échafaude en accelerando jusqu’à l’Allegro vivace et ses tutti acidulés. S’en échappe la clarinette émouvante, soutenue par les bois tout en nuances dialoguant avec les cordes d’une extrême fluidité. Ponctué par la caisse claire, le Giuoco delle coppie permet à deux bassons goguenards de donner le ton aux hautbois et clarinettes avant de faire place aux trompettes, trombones et tubas imposant solennellement un thème de choral. Des contrebasses puis des cordes vaporeuses prend forme l’Elegia qui acquiert une connotation implorante avec le declamato des altos. L’Intermezzo interrotto tire le rideau en laissant les bois converser librement jusqu’à l’irruption d’un bastringue percutant parodiant tant la Symphonie Leningrad de Chostakovitch que le « Da geh’ich zu Maxim » de Die lustige Witwe. Les cuivres péremptoires lancent le Presto final avec ses motifs de danse parvenant à une double fugue et à sa coda tourbillonnante. Et le spectateur enthousiaste bondit de son siège pour applaudir bruyamment Simone Young que l’on voudrait voir régulièrement au pupitre de l’Orchestre de la Suisse Romande.

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 10 mai 2023

Crédits photographiques : Sandrah Steh

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