A Genève, une cheffe et un violoncelliste de classe 

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Pour le premier concert de sa saison, le Service Culturel Migros et son directeur artistique, Mischa Damev, ont eu bien du fil à retordre car il a fallu changer trois fois de programme. Dans l’impossibilité de faire venir à Genève Ivan Fischer et l’Orchestre du Festival de Budapest avec le jeune pianiste français Alexandre Kantorow en soliste, ils ont sollicité l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg qui a fini par être lui aussi confiné. Et en dernière ressource, le 20 octobre sur la scène du Victoria Hall, est parvenu l’Orchestre de Chambre de Lausanne sous la direction de la chef australienne Simone Young avec le violoncelliste munichois Daniel Müller-Schott en soliste.

D’emblée vous surprend l’ampleur sonore quasi symphonique qu’affiche la formation dans les tutti fougueux contrastant avec le canevas ourlé accompagnant le Concerto pour violoncelle en la mineur op.129 de Robert Schumann ; Daniel Müller-Schott en aborde les soli dans un son racé, à première vue pas grand, que l’originalité du phrasé réussit à déployer progressivement comme un éventail qu’irisent les subtilités rythmiques. Le Langsam médian se teinte d’une amertume nostalgique qu’émiettera le finale dessiné à la pointe sèche par un jeu nerveux enchaînant les traits rapides, tout en sachant user du ritenuto sur les arpèges conclusifs. Avec une palette de demi-teintes serties d’émotion, il délivre, à titre de bis, un message de sérénité avec l’admirable Cant dels ocells retranscrit par Pablo Casals.

Après une brève pause, Simone Young propose la Sixième Symphonie en ut majeur D.589 de Franz Schubert dont elle proclame la noblesse dans une sonorité large qui ne craint pas les débordements tant elle sait s’appuyer sur le soutien des vents pour attaquer brusquement un allegro brillant comme une ouverture d’opera buffa s’achevant sur une stretta échevelée. L’Andante avance ‘col canto’ en développant le cantabile sous le legato comme de véritables arches sonores qui, dans le Scherzo, se parent d’une véhémence à la Beethoven en soulignant impulsivement les accents ; en découlera un trio rasséréné avec le plus grand du naturel. Et c’est avec la simplicité d’un ländler un brin sentimental qu’est développé le finale osant les oppositions de coloris au gré d’une joie de vivre toute primesautière qui saura se voiler de mélancolie dans le Troisième Entracte de Rosamunde donné en bis devant un public enthousiasmé par ce très beau concert.         

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 20 octobre 2020

Crédits photograhiques : Klaus Lefebvre

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