A Genève, un altiste remarquable : Nils Mönkemeyer

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Pour la seconde fois durant la saison 2018-2019, l’Orchestre de la Suisse romande invite l’Orchestre de Chambre de Lausanne placé sous la direction de sa principale cheffe invitée, Simone Young.

Le programme débute par un ouvrage néo-classique d’Igor Stravinsky, le ballet Apollon Musagète, écrit en 1927 à la demande de la mécène Elizabeth Sprague Coolidge pour un festival de musique contemporaine à Washington puis chorégraphié par George Balanchine pour les Ballets Russes qui le présentèrent à Paris au Théâtre Sarah-Bernhardt le 12 juin 1928. Imaginé comme un ‘ballet blanc’ aux lignes épurées à l’instar des marbres de l’Antiquité, le mince argument évoque la naissance du dieu soleil qui, devenu adolescent,  inspire trois des muses, Calliope, Polymnie et Terpsichore, pour les conduire au Parnasse. Et cette sobriété transparaît dans l’effectif orchestral qui ne comporte que le registre des cordes. D’emblée, la baguette de Simone Young dessine de fines arabesques pour en exploiter la veine lyrique, tout en prêtant un caractère primesautier au concertino élaboré par le premier et le second violon et le violoncelle solo qui joue la carte de la séduction. Par des tutti à l’arrachée, la Variation d’Apollon impose  une solennité qui s’estompera dans les inflexions suaves d’un pas de deux avec Terpsichore, Muse de la Danse. Et la coda ne sera plus que fringante envolée avec un clin d’œil attendri à ce dieu que l’on a vu naître.

Puis intervient l’altiste Nils Mönkemeyer qui nous fait découvrir une page concertante de Johann Nepomuk Hummel, le Potpourri avec orchestre op.94 datant de 1820. Conçu comme une ouverture d’opéra en huit parties enchaînées les unes aux autres, ce rondò brillant affiche un pathos mélodramatique permettant au soliste de livrer un chant noble en une sonorité chaleureuse qui se pimente d’un brin d’irrévérence dans la paraphrase rapide du second air de Don Ottavio, « Il mio  tesoro intanto ». Après un allegro de transition, les cors exposent le « Se vuol ballare » du Figaro des Nozze, que l’alto agrémente de variations. Puis un nouveau pont du tutti débouche sur le belcanto tendre du « Di tanti palpiti » de Tancredi, négocié dans un phrasé d’une rare élégance. Et la stretta brillante suscite une virtuosité échevelée de la part du soliste qui, bruyamment plébiscité par le public, n’est plus que recueillement austère dans une transcription de la Sarabande de la Deuxième Suite pour violoncelle seul de Bach.

Ensuite, mauvais revers de médaille avec la Symphonie n.38 en ré majeur K.504 de Mozart où les cordes s’étoffent pour tenir  tête aux flûtes, hautbois, cors, trompettes par deux et timbales, burinant violemment le tragique de l’Adagio introductif, avant d’imprégner l’Allegro conséquent de furieux éclats « Sturm und Drang » hors de propos. Furtivement, de salvatrices demi-teintes enveloppent l’Andante, dont le second sujet ramènera l’hégémonie des souffleurs qui parviendront à étouffer les velléités de gaieté du Presto. Quel dommage, après une première partie si captivante !

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, 22 V 2019

Crédits photographiques : Irène Zandel

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