Un anniversaire quelque peu oublié: le 230e anniversaire de la naissance de Carl Czerny

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Carl Czerny est né le 20 février 1791 au début de cette année qui, en décembre, verra la mort de Mozart. Comme fils unique du professeur de piano Wenzel Czerny, sa destinée était tracée : il sera pianiste ! Lorsqu’il a neuf ans, le jeune Czerny est présenté à Beethoven par le violoniste Wenzel Krumpholtz, frère du virtuose de la harpe. Beethoven, alors âgé de 30 ans, est séduit par les capacités du jeune Carl et s’occupera de son éducation musicale. Évoluant dans le cercle viennois, Czerny sera, comme son prestigieux aîné, remarqué par le Prince Lichnowsky. Pour le Prince, il devra jouer de mémoire, alors que ce n’était pas la tradition, l’ensemble des œuvres connues de Beethoven. Il en résultera une profonde coopération entre les deux musiciens ; en 1811, l’aîné demandera au cadet de créer son célèbre 5e Concerto, "L’Empereur". C’est également Czerny qui se chargera de la réduction pour piano de Fidelio. Sédentaire, il ne quittera pas sa ville natale et se consacrera exclusivement à l'enseignement et la composition, parmi lesquelles un grand nombre d’Exercices et d'Études pour le piano. Quel pianiste ne se souvient pas de "L'art de la vélocité" ou celui de "délier les doigts" ? Mais le catalogue du Maître comporte plus de 850 opus parmi lesquelles onze Sonates pour le piano, six Symphonies (dont seules les deux premières ont reçu un numéro d’opus, les autres restant à l’état de manuscrit), une trentaine de Quatuors, deux Concertos pour piano, un Concerto pour piano à quatre mains, une rareté à côté de ceux pour deux pianos et… un Concerto pour quatre pianos. 

Célèbre, Czerny est évidemment sollicité pour les oeuvres collectives. On le trouve dans le recueil des 50 Variations Diabelli dont il compose aussi la coda conclusive. Il y est associé à des personnalités comme Hummel, Kalkbrenner, Moscheles, le fils Mozart, Schubert, l'abbé Stadler ou encore le jeune Liszt de 11 ans. Au début des années 1830, il collabore avec Pixis, Thalberg, Herz et… Chopin à l’Hexameron de Franz Liszt, une oeuvre pour piano et orchestre élaborée à l'instigation de la Princesse de Belgiojoso. C’est une série de Variations sur la Marche des Puritains de Bellini dont il écrit la cinquième Variation "vivo e brillante". 

Czerny ne pratiquera que peu une carrière de pianiste virtuose. Il se consacrera pleinement à ses compositions didactiques. Il meurt à Vienne le 15 juillet 1857. Fauré a déjà 12 ans, d’Indy, 6 et Claude Debussy naîtra six ans plus tard.

Une partition peu connue: la Sonate n°1 en la bémol op. 7 

Datée de 1810, la Sonate en la bémol initie un corpus de onze Sonates. Elle est dédiée à la Baronne Dorothée Ertmann qui sera également la dédicataire de la 28e Sonate en la op. 101 de Beethoven. Cette œuvre revêt une forme inhabituelle en cinq parties. A une structure assez classique en quatre mouvements où le premier est suivi d’un scherzo, d’un mouvement lent et d’un rondo, s’ajoute un fugato terminal qui se conclut par les quatre mesures du thème principal du premier mouvement différemment harmonisé et donne ainsi une impression d’unité à l’ensemble de la Sonate.

Le développement s’articule sur un Allegro en fa mineur qui n’est pas sans évoquer la célèbre "Appassionata" de Beethoven publiée trois ans auparavant. Le Scherzo "Prestissimo agitato" est vif et gai. Il est soigneusement écrit et débouche sur un Trio d’allure schubertienne. Le mouvement lent est centré sur un long thème de seize mesures qui seront variées à la réexposition et dotées d’un audacieux accompagnement en octaves. Le Rondo obéit aux règles classiques et nous offre lui aussi des réminiscences beethovéniennes. La Sonate se conclut par le fugato à quatre voix.

Cette Sonate a été un cheval de bataille du jeune Liszt qui la jouera à Paris en 1830 où il obtiendra un accueil chaleureux de la part du public français. Liszt conservera par ailleurs toute son admiration pour le pédagogue et lui dédiera ses Etudes d’exécution transcendantes. Comme on peut s’y attendre de la part d’un virtuose renommé comme Czerny, l’œuvre n’est techniquement pas facile. À aucun moment, cependant, elle ne plonge dans des passages de pures virtuosités comme le faisait, par exemple, Johann Nepomuk Hummel, son aîné de treize ans. L’œuvre reflète les incertitudes de l’évolution musicale qui mène du classicisme au romantisme au début de ce XIXe siècle. A ce titre, elle mérite d’être étudiée. Si Hummel préfigure parfois le jeune Chopin, Czerny lui nous laisse pressentir le jeune Mendelssohn qui vient de naître en 1809. La Sonate en la bémol a été rééditée par  Ernest Sauter chez l’éditeur Verlag Walter Wollenweber à D-82166 München-Gräfelfing dans la série "Unbekannte werke der Klassik und Romantik" sous le numéro 99. 

Jean-Marie André 

Crédits photographiques : Josef Kriehuber

 

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