Un bonjour d’Edward Elgar d’Amérique

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Elgar from America - Volume 2. Sir Edward Elgar (1857-1934) :  Cockaigne (In London Town), ouverture de concert op. 40 ; Introduction et Allegro pour cordes, op. 47 ; Concerto pour violon en si mineur, op. 61. Yehudi Menuhin, Mischa Mischakoff, Edwin Bachmann, violon ; Carlton Cooley, alto ; Frank Miller, violoncelle. NBC Symphony Orchestra, direction : Malcolm Sargent, Arturo Toscanini. Enregistré en avril 1940 et février 1945 au Studio 8H de Radio City, New York. Édition 2020. Livret en anglais (Lani Spahr). 1 CD SOMM série « Ariadne » ARIADNE 5008.

Après un premier volume très réussi d’enregistrements radio new-yorkais d’œuvres d’Elgar (SOMM ARIADNE 5005) reprenant les Variations « Enigma » op. 36 (Toscanini), le Concerto pour violoncelle op. 85 (Piatigorsky - Barbirolli) et Falstaff op. 68 (Rodziński), en voici un deuxième qui l’est tout autant.

Si le strict Anglais Edward Elgar (1857-1934) n’était pas tendre dans son appréciation de la mentalité américaine, cela ne l’empêcha pas de révéler son héritage musical dans un pays qu’il visita chaque année de 1905 à 1907 et à nouveau en 1911. Il y trouva des appuis -notamment de Samuel Simons Sanford, professeur à l’Université Yale, pianiste de formation élève d’Anton Rubinstein et financièrement indépendant- qui lui permirent de diriger ses propres œuvres dans diverses villes américaines, avec honoraires très élevés, ce qui adoucit notablement ses opinions… Ce fut le début d’une notoriété qui ne s’est jamais démentie outre-Atlantique.

C’est August Jaeger, ami de longue date d’Elgar, qui est à l’origine du superbe Introduction et Allegro pour cordes op. 47, lui proposant de concevoir « un brillant Scherzo rapide pour cordes … Vous pourriez même écrire une Fugue moderne pour cordes ». Aussitôt dit, aussitôt fait : le 13 février 1905, la partition manuscrite complète fut postée à son éditeur Novello -elle contient la dédicace « Au professeur S.S. Sanford, Université Yale, États-Unis ». La création se tint le 8 mars 1905 au Queen’s Hall de Londres avec Elgar à la direction du London Symphony Orchestra, tandis que la première américaine eut lieu le 26 novembre 1905 au Carnegie Hall avec le New York Symphony dirigé par le légendaire Walter Damrosch (1862-1950). Ici, c’est le non moins légendaire (c’est peu dire…) Arturo Toscanini (1867-1957) qui l’exalte ce 20 avril 1940 en y ajoutant une touche de lyrisme bienvenu, dans la seule exécution de l’œuvre par le maestro avec le NBC Symphony Orchestra, ce qui ne l’empêcha pas de la défendre partout ailleurs, ainsi que les Variations « Enigma » op. 36. Ici, les solistes de cette sorte de Concerto Grosso moderne sont Mischa Mischakoff et Edwin Bachmann, violons ; Carlton Cooley, alto (dont on se souvient de son admirable Harold en Italie avec le maestro italien) et Frank Miller violoncelle, appartenant tous quatre au NBC.

Une semaine après la désastreuse première sous-répétée, le 3 octobre 1900, du Dream of Gerontius, comme pour conjurer le sort, Elgar surmonta son découragement avec la composition de Cockaigne, ouverture de concert op. 40 pleine de joie et de vie, quelque peu vulgaire, représentant la vie londonienne bouillonnante. La première se tint le 20 juin 1901, avec Elgar à la tête du Philharmonic Society Orchestra au Queen’s Hall de Londres, et son succès instantané mit du baume au cœur du compositeur. Les premières américaines eurent lieu les 29 et 30 novembre 1901 avec Theodore Thomas à la tête de son Orchestre de Chicago à l’Auditorium de Chicago, suivies le 1er décembre 1901 par le Boston Symphony Orchestra, dirigé par Walter Gericke au Symphony Hall de Boston. Dans cet enregistrement new-yorkais, c’est Malcolm Sargent (1895-1967), pas encore Sir, qui exalte la vitalité bon enfant de l’œuvre avec une évidente gourmandise, ce 18 février 1945.

Toutefois le plat de résistance de ce disque est évidemment le Concerto pour violon en si mineur op. 61, surtout lorsqu’il est interprété ici par Yehudi Menuhin (1916-1999) qui, ce 25 février 1945, avait très certainement en mémoire son interprétation avec Elgar lui-même à la baguette ! Cette œuvre, d’un lyrisme à fleur de peau, voit un Menuhin de 28 ans au sommet de son art, ayant mûri son interprétation en treize années et se présentant sous son meilleur jour, avec le soutien d’un Malcolm Sargent décidément en totale osmose avec la pensée d’Elgar : cette version aurait aisément été la référence absolue de l’œuvre si dans l’Andante et l’Allegro molto final, elle n’avait pas été amputée de 106 mesures au total, pour les besoins restrictifs de la durée de radiodiffusion. Signalons pour terminer que la création fut assurée par Fritz Kreisler, dédicataire de l’œuvre, le 10 novembre 1910 au Queen’s Hall de Londres, avec Elgar à la direction du Philharmonic Society Orchestra, tandis que la première américaine fut donnée par un violoniste américain de 23 ans, Albert Spalding, le 8 décembre 1911 avec Frederick Stock à la tête du Theodore Thomas Orchestra au Thomas Orchestra Hall de Chicago.

Un disque particulièrement désirable qui fera le bonheur des amateurs d’enregistrements historiques de très haut niveau, et de tous les amoureux de la musique d’Elgar.

Son : 8 pour un historique - Livret en anglais : 9 - Répertoire : 8 - Interprétation : 9

Michel Tibbaut

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