Bruno Monsaingeon à propos d’Hephzibah Menuhin
Alors que le coffret que Warner a consacré à Hephzibah Menuhin est un événement éditorial et artistique majeur de ce début d'année 2021, Crescendo Magazine a eu l’opportunité d’échanger avec Bruno Monsaingeon. Réalisateur multi-primé pour ses films sur la musique, Bruno Monsaingeon était un ami de la grande musicienne. Il est également la cheville ouvrière de ce coffret.
Vous avez bien connu Hephzibah Menuhin. Comment l'avez-vous rencontrée ? Que retenez-vous de sa personnalité ?
Je ne sais même plus quand je l’ai rencontrée pour la première fois. Il me semble l’avoir toujours connue. C’est la personnalité féminine la plus rayonnante, la plus généreuse qu’il m’ait été donné de fréquenter.
Comment pouvez-vous définir son jeu ?
Un jeu d’une solidité à toute épreuve, parfaitement naturel et spontané, alors qu’il est évidemment prodigieusement étayé intellectuellement.
A titre d’exemple: j’ai récemment effectué le montage de la Sonate n°2 de Schumann datant de 1959, donc plus de 60 ans après son enregistrement ; un enregistrement qui non seulement n’avait pas été publié, mais même pas monté. Il y avait là de nombreuses prises et reprises, en tout une bonne dizaine d’heures de matériau brut.
A leur écoute attentive, je n’ai pas détecté une seule fausse note, ni même une note approximative,de la part de Hephzibah. Seul Glenn Gould (avec lequel j’ai eu le bonheur de travailler pendant dix ans) était capable de pareil exploit.
En l’entendant jouer avec la perfection naturelle qui était la sienne, et sans la moindre exagération, on avait le sentiment qu’elle était émerveillée et nous murmurait en toute humilité: “Ecoutez la beauté éternelle de cette musique, ouvrez vos oreilles et votre coeur, c’est cette beauté que je veux partager avec vous. Laissez-moi vous la confier”.