Un précieux coffret Accent pour saluer le hautbois de Marcel Ponseele
L’art du hautbois. Œuvres concertantes et musique de chambre de Carl Philipp Emmanuel Bach (1714-1788), Johann Sebastian Bach (1685-1750), Johann Friedrich Fasch (1688-1758), Christoph Graupner (1683-1760), Georg Friedrich Händel (1685-1759), Johann Gottlieb Janitsch (1708-1763), Gustav Mahler (1860-1911), Alessandro Marcello (1684-1750), Astor Piazzolla (1921-1992), Georg Philipp Telemann (1681-1767), Antonio Vivaldi (1678-1741) et Jan Dismas Zelenka (1679-1745). Marcel Ponseele, hautbois ; Il Gardellino. De 1988 à 2013. Notice en anglais, en français et en allemand. 526 minutes. Un coffret de 9 CD Accent ACC 24409.
Excellente initiative de regrouper en un coffret Accent la fructueuse collaboration de Marcel Ponseele avec l’ensemble Il Gardellino, qu’il a fondé à Bruges en 1987 avec le flûtiste Jan de Winne et le claveciniste Shalev Ad-El. D’autres musiciens (François Fernandez et Ryo Terakado au violon, Mika Akiha à l’alto, René Schiffer au violoncelle…) les rejoindront pour une aventure de longue durée. La discographie commence pour le label dès 1988 avec de la musique de chambre, en l’occurrence des Sonates en trio de Zelenka, le compositeur tchèque le plus important de son époque, redécouvert, avec son originalité, dans les années 1970. Ponseele y est le second hautbois, auprès de Paul Dombrecht, avec Danny Bond au basson ; tous trois jouent sur instruments historiques, expérience alors neuve. La musique de chambre occupera les années qui suivent : pages variées de Telemann à partir de 1995, programme Haendel/Vivaldi en 1999, puis en 2002. En 2000/01, c’est le tour du moins connu Janitsch, qui, en qualité de contrebassiste, œuvra à Berlin, à la cour du prince héritier, futur Frédéric le Grand.
En toute logique, des concertos vont s’imposer et être gravés, avec une équipe étoffée : Bach, l’incontournable, en 2002 et 2004, Telemann à nouveau de 2002 à 2005, puis Fasch, compositeur actif à Zerbst, en Saxe, et à Dresde (dix concertos sur deux disques, en 2007 et 2011). Au fil des années, une quinzaine de compositeurs auront ainsi été honorés, même Mahler, dont Ponseele transcrira l’un des Rückert-Lieder pour hautbois, cordes et basse continue ; il proposait alors, pour Ich bin der Welt abhanden gekommen, d’écouter ce moment musical de « retrait du monde » rien qu’avec le texte du poète sous les yeux. Il y aura encore, autre exception au baroque, un arrangement par Ponseele de l’Oblivion de Piazzolla, le hautbois, en soliste, remplaçant avec éloquence le bandonéon.
La majorité des albums ici regroupés sont bien connus des amateurs du baroque, qui les ont acquis au cours du temps. Mais leur réunion permet de savourer de façon panoramique l’art de Marcel Ponseele, né à Courtrai en 1957. Il a étudié le hautbois moderne et la musique de chambre aux Conservatoires de Bruges, Bruxelles et Gand. Mais le hautbois baroque le fascinait. En 1981, il remporta à Bruges le Concours Musica Antiqua pour l’instrument. Après une carrière bien remplie, il compte à son actif près de deux cents disques, car il a participé aussi à d’autres aventures, notamment avec La Petit Bande, Philippe Herreweghe et l’Orchestre des Champs-Elysées, John Eliot Gardiner ou Maasaki Suzuki. Il a transmis son savoir à travers son enseignement au Conservatoire de Paris, donne aujourd’hui des masterclasses et fabrique avec son frère, en Flandre occidentale, des hautbois historiques et d’autres instruments de la même famille.
On est séduit par les gravures ici rassemblées, qui ont été appréciées, lors de leur parution, autant par la presse musicale que par les mélomanes. Avec des coups de cœur si nombreux qu’il faudrait presque citer tout le programme. En effet, Marcel Ponseele trouve toujours le ton juste, faisant de ses interprétations des références au sein des discographies respectives. La facilité technique, l’élégance instrumentale, le raffinement des timbres et des couleurs, la douceur et la légèreté des mouvements lents, mais aussi le bonheur exprimé à travers une sensibilité dont la constance émerveille, tout cela est proposé dans un esprit de complicité chaleureuse avec les nombreux partenaires.
Il ne faut pas hésiter à (s’) offrir ce coffret : il représente la quintessence de l’art de Marcel Ponseele, ce virtuose du hautbois qui sert depuis des décennies son instrument avec une vraie dévotion communicative. À prix doux, quelle aubaine !
Note globale : 10
Jean Lacroix