Un récital crépusculaire par Andreas Scholl

par

« Twilight People » - Oeuvres de Copland, Britten, Vaughan Williams, Berg, Frankel et Tawadros*. Andreas Scholl (contreténor), Tamar Halperin (piano), *Joseph Tawadros (oud) 46’36, Texte de présentation en anglais, BMG Modern Recordings, BMG5053854709 

Pour la première parution discographique du nouveau label BMG Modern Recordings, le célèbre contreténor Andreas Scholl et la pianiste Tamara Halperin (par ailleurs son épouse) proposent un programme original autour de l’osmose entre le modernisme et la musique folklorique-populaire. À cela s’ajoutent deux créations et trois excursions dans le post-romantisme des Jugendlieder d’Alban Berg. À tous ceux qui frémissent d’horreur au nom du célèbre compositeur de la 2e École de Vienne, nul besoin d’éviter ces plages ! Vous n’aurez pas affaire au Berg anguleux, adepte des méthodes schoenbergiennes, mais plutôt à un Berg de jeunesse dont le lyrisme ardent jaillit des sources du romantisme tardif.

Scholl et Halperin ayant conçu l’album pour qu’il s’écoute comme un récital, d’une seule traite, les plages, tonalités et atmosphères s’enchainent quasi imperceptiblement. Le choix des œuvres est fouillé, surprenant l’auditeur à chaque détour. Britten apporte de douces touches de modernisme à des mélodies intemporelles anglo-saxonnes (The Salley Gardens, Greensleeves), et Copland infuse son charisme musical caractéristique dans At the river et The little horses (extraits de ses Old American Songs). 

À l’inverse de Britten et Copland qui s’inspirèrent de mélodies populaires, Ralph Vaughan Williams, grand amoureux de la poésie, avait mis en musique dans son style pastoral de nombreux textes de ses contemporains britanniques. On trouve de véritables perles musicales dans ce large corpus de mélodies, trop peu connu en Europe continentale. On retiendra notamment Silent Noon sur un superbe sonnet du préraphaélite Dante Rossetti, ainsi que Twilight People sur un poème de l’Irlandais Seamus O’Sullivan.

Excellente idée de clôturer l’album avec Beauty is Life de Joseph Tawadros. Ce compositeur égyptien prête son talent d’instrumentiste pour combiner le timbre nostalgique du oud avec la pureté et la lisseté (néologisme emprunté à Amélie Nothomb !) du couple, nous offrant quelques moments de virtuosité intense. Cela change agréablement des treize pistes précédentes dont l’atmosphère planante pourrait paraître trop unifiée à certains. 

Le jeu particulièrement sensible de Tamar Halperin supporte magnifiquement la douceur et la luminosité de Scholl. Ensemble, les interprétations sont fraiches, empreinte d’une saine simplicité et, par-dessus tout, convaincantes. Avec une approche aussi naturelle, on ne remarque même pas que les œuvres (hormis les créations) n’étaient pas conçues pour contreténor à la base. Les oreilles fines noteront cependant de nombreux infimes problèmes de justesse, les attaques de notes chez le contreténor étant souvent trop basses, particulièrement dans la première plage, The Rest d’Ari Frankel. Même si la diction est globalement excellente, on émet une préférence pour sa prononciation de l’allemand -on aurait apprécié qu’apparaissent dans le livret les textes des poèmes. 

Avec un répertoire aussi unique, un timbre si particulier, une complicité évidente du couple, ce projet discographique est à découvrir ! 

Pierre Fontenelle, Reporter de l’IMEP

 

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