Le Mahler apaisant d’Osmo Vänskä

par

Gustav Mahler (1860-1911), Symphonie No.4, Carolyn Sampson : soprano, Minnesota Orchestra, Direction : Osmo Vänskä. BIS Records - Hybryd SACD BIS-2356.

A l’occasion du récent décès du grand chef letton Mariss Jansons, la presse spécialisée et certains critiques lui cherchaient déjà -tel un pape ou un souverain- un successeur sur l’Olympe musical. Qui allait être le nouveau « primus inter pares » ? Réflexion que nous trouvons sans réels fondements car il est difficile d’établir une vraie hiérarchie dans un tel domaine. Malgré tout, la shortlist des papabiles était instructive. Naturellement, la tiare revenait à Riccardo Chailly ; on pouvait également y trouver les noms de Kirill Petrenko, de Simon Rattle ou d’Andris Nelsons. On notera l’absence remarquée de Valéry Gergiev dans ce panthéon subjectif. Comme toujours dans ce genre d’exercice, d’immenses talents restent dans l’ombre de ces géants au premier rang desquels figure Osmo Vänskä trop méconnu à notre avis.

 A première vue cela peut sembler normal car le chef finlandais n’est pas le plus médiatique des hommes et le fait qu’il ne soit pas à la tête d’une grande formation européenne avec la visibilité qui va avec n’aide pas. Pourtant sous ses airs de « Poulidor » de la direction, Vänskä est une valeur sûre. Une majeure partie de ses enregistrements demeurent des jalons qui feront date au sein de la discographie, notamment dans Beethoven ou Sibelius. Dans la catégorie « souvent placé jamais vainqueur » il rejoint des chefs extraordinaires tels que Michael Gielen ou Jascha Horenstein.

Son intégrale en cours des symphonies de Mahler, dont la dernière livraison est la Quatrième, s’inscrit dans la même veine. Après Jurowski récemment, était-ce le bon moment pour une nouvelle lecture de l’œuvre ? La réponse est clairement oui grâce à l’intelligence du chef qui fait preuve d’une grande objectivité et d’une rigueur permanente, un mal nécessaire avec une telle partition. Un trop plein de lyrisme et de bons sentiments est si vite arrivé ! Heureusement, à l’image des précédents opus du cycle, Vänskä sait prendre la musique de Mahler par le bon bout. Après le foie gras, la dinde, les marrons et la bûche en cette période de fêtes propice à tous les excès, un peu de légèreté fait du bien, c’est même salutaire.

 Nous ne nous livrerons pas à une nouvelle exégèse sur les origines et la structure d’une œuvre mainte fois vue et revue. Nous insisterons plutôt sur le savant équilibre mis en place ici entre objectivité et subjectivité. Vänskä apôtre de la première tendance, sait préserver l’auditeur de tout artifice inutile pour replacer Mahler dans le contexte de ce qui était l’œuvre préférée du compositeur.  Mention spéciale à Carolyn Sampson dont la voix d’ange fait merveille avec la féerie contrôlée du finnois. 

Plus largement, cette version ne vise pas le haut du podium (Horenstein, Abbado...) mais s’impose comme une lecture moderne et apaisante. Une de plus pour cette œuvre déjà bien servie. La force de la vision de Vänskä réside dans le fait qu’elle s’ancre dans les préoccupations des gens de son temps. Le respect de la nature, le développement durable et le soin de la maison commune. Un Mahler à hauteur d’homme. 

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 9

Bertrand Balmitgère

 

 

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