Un Verdi ténébreux : I Due Foscari

par

Giuseppe VERDI (1813-1901) : I Due FoscariLeo NUCCI baryton), Guanqun YU (soprano), Bernadett FODOR (mezzo-soprano), Ivan MAGRI (ténor), Istvan HORVATH (ténor), Miklos SEBESTYEN (baryton basse), chœur des Bayerischchen Rundfunks, Münchner Rundfundorchester, dir. : Ivan RPUSIC. DDD–2019–73’ et 28’ 40’’–Textes de présentation en allemand et en anglais– BR Klassik 900328

I Due Foscari (Les Deux Foscari) fait partie des opéras mal connus de Giuseppe Verdi, et c’est plutôt injuste car l’œuvre, créée au Teatro Argentina de Rome le 3 novembre 1844, contient des passages exceptionnels et, surtout, fait voir un Verdi tourmenté et pessimiste, un peu comme si en la composant, il avait mis à nu ses propres drames sentimentaux, ses propres démons intérieurs. À la fin de sa glorieuse existence, il dira d’ailleurs que les années 1840 ont été pour lui des « années de galère », des termes qu’on éprouve beaucoup de mal à comprendre, étant donné que Nabucco, qui date de 1842 et Ernani, qui date, lui aussi, de 1844, auront été des triomphes publics, et que I Due Foscari sera pareillement acclamé. Le troisième soir de la représentation à Rome, Verdi, qui dirigeait lui-même sa partition, aura ainsi eu droit à plus de trente rappels ! 

C’est le très docile Francisco Maria Piave qui a écrit le livret de I Due Foscari, à partir d’un ouvrage hybride de Lord Byron tenant à la fois du drame historique et du poème lyrique et reposant sur des faits réels s’étant déroulés à Venise au XVe siècle : Jacopo Foscari, le fils du doge, est accusé de meurtre et de trahison par le Conseil des Dix, alors même qu’il est innocent, intègre et loyal. Ce qui ne sera cependant prouvé et démontré qu’à la fin de l’opéra, mais n’empêchera pas le pauvre Jacopo de mourir de douleur. En 1978, en pleine période de retour spectaculaire au bel canto, le critique et musicologue Jacques Bourgeois a noté à ce sujet : « Dans l’écriture orchestrale, l’utilisation particulière des timbres instrumentaux pour créer l’atmosphère et, en la circonstance, approfondir le caractère tragique de la scène, apparaît une nouveauté chez Verdi. Cette utilisation, encore occasionnelle dans I Due Foscari, ouvre le chemin à l’évolution ultérieure que les grands opéras de la maturité mettront en évidence. »

Reste que l’œuvre est, pour ainsi dire, mûre en soi, et que les présents interprètes, tous excellents (y compris les chœurs), lui confèrent une gravité émouvante, du premier tableau du premier acte au dernier tableau du troisième. Non, aucun des vingt-neuf opéras de Verdi ne constitue une œuvre de second choix.

Jean-Baptiste Baronian

Son  9 – Livret  6 – Répertoire  9 – Interprétation  10

 

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