Une approche qui interroge avec Paolo Zanzu

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Nouveau venu dans le paysage baroque comme dans la cour des grands, à qui l’on doit un récent CD, Paolo Zanzu en donnait les trois premières suites anglaises à ce concert, particulièrement bienvenu après la réclusion imposée par la pandémie.  Montbard, ancienne et modeste cité bourguignonne où naquit Buffon, le naturaliste, a conservé un riche patrimoine, auquel participe la chapelle des Ursulines, cadre rêvé pour ce récital, dû à l’initiative de Patrimoine en musique. Tant sur le plan acoustique que visuel, c’est l’écrin idéal.

Le magnifique instrument, copie d’un clavecin de l’école de Gottfried Silberman, qu’aurait pu connaître le cantor, sonne magnifiquement. Le timbre et la résonance en font le truchement parfait. Paolo Zanzu a bien lu son Basso, au point d’avoir fait sienne l’analyse du recueil. On devine une personnalité derrière l’image du lauréat de concours prestigieux, mais on peine à la percevoir. Les tempi adoptés sont le plus souvent rapides, sans fébrilité, démonstration d’une technique magistrale, certes, mais aussi réduction de l’œuvre à ce qui ressemble à une approche intellectuelle ou à une ascèse. L’émotion y est rare, y compris dans le jeu des bourrées et gavottes, qui invitent au sourire. La virtuosité est incontestable, sans esbrouffe, le toucher, l’articulation admirables, quasi motoriques. C’est là que le bât blesse : oubliée, la liberté des préludes, les respirations font défaut, l’expression est neutre, dépourvue de grâce comme de lyrisme. Quant à la rythmique caractéristique des danses stylisées, il faut la chercher dans le texte, car, à l’écoute, l’égalité du toucher, la fluidité du jeu gomment ce qui les caractérise : leur absolue désincarnation nous laisse quelque peu sur notre faim. Hormis les agréments écrits par Bach pour les sarabandes des 2ème et 3ème suites, les reprises sont jouées à l’identique de leur énonciation. A ce propos, on ne comprend pas le choix de d’omettre celles de la seconde partie de l’allemande, des courantes et de la sarabande de la suite en la majeur, qui ouvre le recueil, alors que ce sera la règle, ensuite.

Trac, méforme passagère, liés à l’éloignement du concert, choix interprétatif ? On est surpris car Paolo Zanzu n’a plus à démontrer ses qualités. Le public, aussi nombreux que les règles de distanciation le permettaient, s’est montré chaleureux, et deux beaux bis ont récompensé ses acclamations, où le claveciniste semble s’être départi de la réserve qui a marqué ce récital.

Montbart, Chapelle de Ursulines, 12 août 2020

Crédits photographiques : Paolo Zanzu en concert à Montbard (21) © Patrimoine en musique.

Yvan Beuvard

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