Une brise nouvelle sur Chopin : l’interprétation rafraichissante de Gábor Farkas

par

Frédéric Chopin (1810-1849) : Concerto pour piano en mi mineur, op. 11 ; Concerto pour piano en fa mineur, op 21. Gábor Farkas, piano ; Hungarian Radio Symphony Orchestra, direction Tamás Vásáry. 2023. Livret en anglais, hongrois. 75’ 33”. Hungaroton. HCD 32872

Surnommé « le poète du piano » par le chef d’orchestre Tamás Vásáry, Gábor Farkas est diplômé en 2005 de la Liszt Ferenc Academy of Music de Budapest. En 2009, il décroche le sixième prix au concours international de piano Franz Liszt (Weimar), un tremplin pour sa carrière puisque cela l’amène à se produire dans les plus grandes salles de concert telles que le Carnegie Hall (New York) ou encore la Konzerthaus (Berlin). C’est en 2022 qu’il décide d’enregistrer avec le Hungarian Radio Symphony Orchestra (Magyar Rádió Szimfonikus Zenekara)  les deux concertos pour piano de Frédéric Chopin, célébrant par la même occasion le 18e anniversaire de l’Orchestre dans son appellation radiosymphonique (la phalange a été connue pendant des décénies comme sous la nom Budapest Symphony Orchestra).  

Dès le premier mi joué par l’orchestre, marquant l’ouverture du Premier concerto, le ton affirmé nous interpelle d’emblée. La mélodie introductive est rythmée par des coups d’archet très amples, nous transportant dans un univers feutré, teinté d’aspects dramatiques, tout en se distanciant des enregistrements qui peuvent avoir tendance à reléguer l’orchestre en arrière-plan ; la musique avance et ce n’est pas tassant. Dans la même veine artistique, citons l’enregistrement des deux concertos pour piano de Rachmaninov signé Khatia Buniatishvili où ce choix est poussé à son paroxysme, les niveaux sonores du piano et de l’orchestre ayant été égalisés en postproduction. Lorsqu’après quatre minutes d’écoute le piano fait son entrée, nous ne pouvons passer outre le choix de l’instrument. Un son feutré, sublimé par une articulation brillante et un rubato rafraîchissant, vient enfin complimenter la direction de Tamás Vásáry. La complicité entre le piano et l’orchestre est à souligner puisqu’à aucun moment le piano ne prend le dessus, nous rappelant alors la personnalité du compositeur même. Quant aux dialogues figurant dans le deuxième mouvement, il semble que piano et orchestre ne fassent plus qu’un, faisant transparaitre un jeu sensuel, doux et dénudé de tout pathos encombrant. Le troisième mouvement est quant à lui placé sous le signe d’un Vivace maitrisé, mais manquant peut-être d’une articulation un peu plus dynamique. 

Dans le Deuxième concerto, Gábor Farkas reste fidèle au style employé précédemment. Dans cette interprétation, il navigue habilement à travers les différents mouvements, permettant à chaque note de résonner avec une intimité particulière. Dans le deuxième mouvement, il veille à délivrer des moments climatiques avec une puissance marquante, tout en permettant des moments d’introspection, caractéristiques de ce morceau. De manière similaire au troisième mouvement du premier concerto, Farkas aborde ce Vivace d’une manière légèrement trop élastique, noyant cette pièce de clôture dans un semblant d’énergie peu contagieuse. 

Graver en un album les deux concertos pour piano de Frédéric Chopin n’est pas quelque chose d’inhabituel, au contraire. Face à la multitude d’enregistrements, relever le pari d’y ajouter une plus-value reste quelque chose de l’ordre de la haute voltige, mais Gábor Farkas relève ce défi avec une maestria exceptionnelle. Malgré deux troisièmes mouvements quelque peu alanguis, il réussit à nous convaincre par son jeu délicat rempli d’intentions musicales plus qu’intéressantes. Un album tout à fait réussi qui n’a rien à envier à ceux déjà présents dans nos bibliothèques. 

Note globale : 9/10 

Clément Bellenger

Chronique réalisée sur base de l’édition numérique. 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.