À Genève, une création à l’OSR  

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Pour l’un des derniers concerts de la saison 2018-19, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande présentent une de leurs commandes dont ils ont assumé la création le mercredi 8 mai, le Concerto pour flûte et orchestre ‘Memento Vivere’ qu’Eric Montalbetti a écrit à l’intention d’Emmanuel Pahud. Selon les dires du compositeur, le sous-titre « Souviens-toi que tu es vivant » signifie que la flûte est avant tout l’instrument du souffle et que l’arrêter serait comme le faire mourir. Dans une esthétique qui rappelle le dernier Messiaen, l’œuvre est d’un seul tenant, même si elle comporte quatre parties qui s’enchaînent les unes aux autres. Ainsi, le Prélude aux Dieux antiques est développé comme une houle incantatoire suscitant les volutes de la flûte, comme un Premier souffle s’appuyant sur un tissu de cordes, xylophone et harpe que lacéreront de fulgurantes stridences. Le soliste recourt alors à la flûte basse pour évoquer un Memento mori dans le registre grave. Mais un dialogue entre le violon solo et l’alto donne libre cours à une Renaissance en trois parties, accumulant les blocs sonores sur lesquels se juchera la flûte délivrant un message d’espoir. Et les spectateurs ovationnent le soliste et le compositeur, visiblement ému et humblement reconnaissant de la qualité d’une exécution dont, en l’espace de deux jours, pourront témoigner les publics de la Seine Musicale à Paris et du Lac Sala Teatro à Lugano.

En prélude à cette première, le chef et son orchestre avaient proposé une brève page d’Igor Stravinsky datant de 1920, Symphonies d’instruments à vent. L’on sait l’insistance du musicien sur le pluriel du titre qui, étymologiquement, veut dire instruments jouant ensemble, à l’instar des Symphoniae sacrae de Giovanni Gabrieli. Le début aligne de discordants éléments qu’aplanit une ébauche de choral, avant que n’apparaissent de grimaçantes sonorités qui s’enchevêtrent sans pouvoir empêcher le retour du motif liturgique.

La deuxième partie du concert est consacrée d’abord à un Ravel insolite, celui de Gaspard de la nuit, triptyque pianistique ô combien redouté pour ses difficultés techniques notoires. En 1990, Marius Constant s’attela à la tâche tout aussi ardue de l’orchestrer. Et c’est aux bois qu’incombe le chant de l’Ondine sur tremolo de cordes graves, alors que violons et harpes déversent les giboulées d’arpèges ruisselants au soleil. Le Gibet en est la page la plus convaincante avec ses effets de cloches butant contre le mur des cors et trombones, tandis que Scarbo peine à imposer son rictus sardonique sous une débauche de lames véhémentes qu’alimentent la machine à vent et la percussion.

Et en un pianissimo à peine perceptible des cordes graves et du tambour prend forme le célébrissime Boléro, dont Jonathan Nott articule l’inexorable progression en sollicitant une clarinette gouailleuse, un trombone ‘jazzy’ pour nourrir les cordes puis laisser se répandre un tutti paroxystique qui fera bondir de son siège l’auditeur, pleinement satisfait de cette brillante conclusion.

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 8 mai 2019

Crédits photographiques : Thomas Mueller

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