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A Genève, un programme éclectique pour l’OSR 

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Sous le titre ‘Saxo et Boléro’, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande proposent un programme éclectique qui, outre la célébrissime partition de Ravel, juxtaposent Maurice Duruflé, John Williams et Harrison Birtwistle.

L’on croit souvent que la production de l’organiste Maurice Duruflé se limite à son Requiem, une Messe, quelques motets et pièces d’orgue. Mais l’on ignore l’existence de pages orchestrales. Jonathan Nott a donc la judicieuse idée de nous révéler les Trois Danses pour orchestre op. 6 que Paul Paray créa aux Concerts Colonne en 1936. Utilisant une large formation comportant notamment cinq percussionnistes, cette partition éblouit par la luxuriance de la palette orchestrale. Sur un canevas voilé de mystère prend forme le Divertissement que développent les flûtes répondant aux clarinettes et cors en suscitant un tourbillon festif que les bois rendent onctueux. Le cantabile des violoncelles est amplifié par les cordes pour parvenir à un tutti paroxystique puis retomber dans l’ambiance étrange du début. La Danse lente est tout aussi envoûtante à partir d’arpèges de harpe enveloppant le dialogue des bois ponctué par le pizzicato des cordes en points de suspension. Mais le discours s’amplifie en inflexions langoureuses qui deviennent effervescentes avant de s’émietter dans l’onirisme serein du début. Tambourin fait effectivement appel à son ostinato prêtant un caractère agreste au pimpant duo du basson et de la clarinette d’où se dégage un crescendo étincelant que commente un saxophone narquois. Et c’est dans un rutilant tutti que s’achève ce triptyque qui mérite d’entrer au répertoire courant.

A Genève, un Bruckner captivant

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Sous un bien curieux titre, Charme autrichien, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande juxtaposent une œuvre célèbre de Mozart, le Concerto pour clarinette et orchestre, et l’une des symphonies les moins connues de Bruckner, la Deuxième en ut mineur, pour un programme présenté à Genève, Lausanne et Fribourg. 

Dans le K.622 en la majeur, le soliste est Martin Fröst, l’artiste en résidence de cette saison 2023-2024. Aux premières mesures du tutti, le chef confère un certain allant en nuançant un phrasé que le clarinettiste prend à son compte afin de privilégier la poésie à l’encontre d’une patine brillante, tout en instillant d’infimes demi-teintes dans un cantabile qui sollicite les graves du registre, tout en allégeant les fins de phrase. L’Adagio étire les lignes en une sonorité magnifique qui s’amenuise en un pianissimo intériorisé pour la cadenza et le da capo du motif initial, alors que le Rondò final tient du badinage désinvolte qui se joue des sauts de tessiture avec une aisance confondante. Armé du même brio, Martin Fröst propose, à titre de bis, une improvisation de son cru qui met en valeur les ressources infinies de son instrument.

A Genève, trois premières exécutions fascinantes

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Pour un événement particulier comme cette Soirée des premières, l’Orchestre de la Suisse Romande collabore avec l’Orchestre de la Haute Ecole de Musique de Genève en infiltrant quelques-uns de ses chefs de pupitre dans les rangs de la formation estudiantine. Peter Eötvös aurait dû diriger lui-même le programme du 2 mars qui comportait deux de ses œuvres. Mais pour des raisons de santé il a dû annuler sa participation. Et c’est Jonathan Nott qui a accepté d’étudier trois œuvres qui lui étaient inconnues pour le remplacer à la tête d’une phalange impressionnante par sa dimension.

La première des œuvres de Peter Eötvös s’intitule Reading Malevich, créée en 2018 par Matthias Pintscher et l’Académie du Festival de Lucerne mais que Genève entendait pour la première fois. Inspirée par la toile Suprematismus n.56 de Kazimir Malevich, cette page suscita quelques réflexions de la part du compositeur qui déclarait : « Je me suis mis comme défi la transformation d’une image en musique… Ma partition s’articule en deux volets, Horizontal et Vertical, référence à la ligne de mire du spectateur et à la façon dont il lit le tableau ». Et c’est par le biais de formules à l’unisson que se profile un ostinato mélodique dont les lignes se resserrent sous l’impulsion des vents pour laisser affleurer les tensions. L’abondante percussion produit de mystérieuses suspensions avant l’avènement des cuivres imposant un choral que récupérera le tutti. La seconde partie est un éblouissant kaléidoscope dont la myriade de coloris est fluidifiée par de soyeux glissandi. 

Intervient ensuite Xavier de Maistre assumant la première suisse du Concerto pour harpe et orchestre que Peter Eötvös avait composé à son intention en 2003 en réponse à une co-commande de Radio France, du Rundfunkorchester de Berlin, du Musikverein de Vienne, de la NHK de Tokyo, de la Casa da Musica de Porto et de l’OSR. En trois mouvements bien distincts, l’œuvre s’articule en confiant d’abord au soliste une cadenza virtuose amenant la ligne mélodique que développent les bois. Frappant par instants sur le bois, le harpiste se confine à ornementer le discours orchestral largement développé avant d’ébaucher une seconde cadenza qui débouche sur un lento intériorisé s’appuyant sur les tenues des cuivres et sur le canevas lancinant des cordes. Le final fait éclater les tensions par une série de traits à l’arraché qui vivifient le coloris tout en sollicitant les ressources techniques les plus inattendues de l’instrument. Devant l’enthousiasme délirant du public, Xavier de Maistre pare de mille nuances l’adaptation que Felix Godefroid avait élaborée du célèbre Carnaval de Venise.

A Genève, un Rosenkavalier maussade 

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Pour les fêtes de fin d’année, le Grand-Théâtre de Genève affiche sept représentations du Rosenkavalier en reprenant la production que Christoph Waltz avait conçue pour l’Opéra des Flandres en 2013. Bien connu des cinéphiles pour ses rôles dans Inglourious Basterds et Django Unchained de Quentin Tarantino, cet acteur viennois de renommée mondiale se tourne sporadiquement vers l’opéra en mettant en scène Fidelio au Theater an der Wien et Falstaff à Anvers. Pour ce Rosenkavalier, il souscrit à une lecture épurée bannissant l’esthétique ‘bonbonnière rococo’ pour privilégier une direction d’acteur approfondie, ce qui lui fait dire : « Aujourd’hui, nous lisons cette histoire tout autrement ». 

Sous des éclairages tamisés conçus par Franck Evin, le décor d’Annette Murschetz consiste en un cadre de bois gris-vert qui se dédoublera pour le salon bien modeste de Herr von Faninal et pour l’auberge campagnarde, tout aussi dégarnie. Au fil de l’action, viennent s’ajouter quelques meubles comme le lit à baldaquin et le guéridon du premier acte, deux ou trois fauteuils et canapés, en reléguant en coulisse l’énorme couche qui devrait tant épouvanter la pseudo Mariandel. Les costumes de Carla Teti mêlent allègrement le XVIIIe et le XXe en donnant à Oktavian un complet-veston bleu aussi quelconque que sa tenue de groom sous un atroce ciré luisant pour une présentation de la rose que l’on minimise au plus vite. D’un déshabillé sans charme rapidement recouvert d’une étole pourpre, la Maréchale passe à une robe tulipe mauve tape-à-l’œil pour le dernier tableau. Le Baron Ochs doit se contenter d’une seule redingote brune à la Philéas Fogg, Sophie en jaune citron semble échappée des Parapluies de Cherbourg, alors que Faninal, son père, est engoncé dans un uniforme militaire.

A l’OSR, une création de Michael Jarrell  

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Sous le titre ‘Première Mondiale’, l’Orchestre de la Suisse Romande a ouvert sa saison 2023-2024 au Victoria Hall de Genève le 4 octobre dernier. Effectivement, ce premier concert comportait une création du compositeur en résidence Michael Jarrell, interprétée par l’artiste en résidence, le clarinettiste suédois Martin Fröst.

Emanant d’une commande de l’OSR associé aux orchestres du Capitole de Toulouse, de Tokyo et de São Paulo, Passages est donc un concerto pour clarinette et orchestre à très large formation qui commence par un solo développé comme une incantation sur un canevas mystérieux innervé de brèves figures mélodiques qui se condensent pour parvenir à un premier tutti. L’instrument soliste produit alors des formules interrogatives qui en viennent à exacerber le discours. Mais un duetto avec la harpe sert d’accalmie avant une montée en puissance entraînant de cinglantes déflagrations qu’atténuera le glockenspiel pour faire place à une séquence méditative conçue comme un andante rasséréné. Les cuivres menaçants suscitent une suite de trilles de la clarinette ramenant la lumière sur un final dont Martin Fröst accentue l’éclat par des traits échevelés d’une virtuosité ahurissante sur l’ensemble de la tessiture. Devant le succès remporté par cette création, succès qui émeut profondément le compositeur, le clarinettiste fait appel à Jonathan Nott et à l’Orchestre afin de proposer en son honneur un bis qui est une brève page écrite par son frère, Göran Fröst, et intitulée Klezmer Dance n.2, éblouissante démonstration de la maestria du soliste.

Une fin de saison morose pour l’OSR 

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Pour achever la saison 2022-2023, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande conçoivent un programme qui met en parallèle une création de Yann Robin et deux grandes pages de Richard Strauss.

Shadows III est un concerto pour quatuor à cordes et orchestre qui émane d’une commande de l’Orchestre de la Suisse Romande. A côté d’une formation de jazzman au CNR de Marseille, le musicien a étudié la composition auprès de Georges Bœuf avant d’intégrer la classe de Frédéric Durieux au Conservatoire de Paris et celle de Michaël Levinas en analyse puis de suivre le Cursus Informatique de l’IRCAM. Pour cette création réunissant l’effectif complet de l’OSR, l’on sollicite la participation du Quatuor Tana qui pousse jusqu’à ses extrêmes limites les possibilités de chacun des instruments. Sur une basse de roulement de timbales, les quatre cordes livrent des figures en dents de scie avec traits à l’arraché, staccati véhéments, effets percussifs entraînant dans leur sillage l’orchestre qui élargit la progression jusqu’à un premier tutti. Comme irrité par ce premier paroxysme, le quatuor semble vouloir attaquer l’ensemble lui faisant face qui pourrait être aussi son double. Avec un sourire emprunté, Jonathan Nott arrête le tout en prétextant qu’il a sauté deux pages puis reprend au tutti. Les traits virulents tirés par les solistes butent contre de massives parois sonores, avant de laisser affleurer un pianissimo consolateur projetant enfin une ombre sur les cordes en sourdines. Mais de nouvelles déflagrations ponctuées par les cloches provoquent une course à l’abîme débouchant sur un insondable mystère… Much Ado About Nothing (Beaucoup de bruit pour rien) se dit l’auditeur exténué invoquant Shakespeare, gratifiant d’applaudissements nourris le Quatuor Tana qui a fait tout son possible pour assumer la partie soliste, adressant néanmoins des huées exaspérées à l’auteur de cette première mondiale qui peut se targuer d’être la plus faible de celles qu’a présentées l’OSR au cours de ses dernières saisons.

A l’OSR, une bouillonnante Neuvième

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Pour trois concerts au Victoria Hall de Genève et à l’Auditorium du Rosey à Rolle, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande présentent devant un public cette Neuvième de Beethoven qui avait été préalablement programmée en juin 2020 mais qui avait finalement été filmée par les caméras de la télévision dans une salle vidée par la pandémie régnante du moment.

Avec le concours du même chœur, la Zürcher Sing-Akademie, mais avec un nouveau quatuor de solistes, Jonathan Nott se lance dans une lecture fougueuse imprégnée de Sturm und Drang. Pour l’Allegro ma non troppo initial, il tisse un canevas presque irréel qui s’innerve d’inflexions tragiques avec l’envolée des premiers tutti. Selon leur néfaste habitude, les bois gomment les nuances en rendant impossible le contraste entre les blocs sonores. La baguette du chef suscite une continuelle effervescence qui atteint divers points culminants sans pouvoir écarter l’écueil de la boursouflure. Par une progression qui étage mal les plans superposés, le ritardando a tempo conclusif paraît bien prosaïque. A coup de traits acérés martelés par les timbales omniprésentes, le Molto vivace est parcouru par une indomptable énergie qui rend trépidant le staccato des cordes amenant à un Presto haletant. Malgré une intonation incertaine en ses premières mesures, l’Adagio molto e cantabile devient le point focal de l’œuvre par le cantabile suave que développent seconds violons et viole (altos) en un lyrisme éploré qu’assimileront les premiers violons en intensifiant l’expression afin de parvenir à un tutti percutant comme un appel du destin. Le Final renoue avec le pathétique du début que les violoncelles et contrebasses aseptisent par un récitatif aux accents tragiques qui amène l’intervention du baryton-basse Daniel Schmutzhard claironnant avec panache ses « Freude ! Freude ». Lui répond le remarquable ensemble choral de la Zürcher Sing-Akademie (préparé par Florian Helgath), ayant un pupitre d'alti et de ténors en mesure de négocier décemment les sauts d’octave à tempo rapide quasiment impossibles qu’un instrument à cordes exécute aisément. Sa cohésion des registres peut lui être enviée par le bien misérable quatuor soliste incluant un ténor cherchant ses marques dans un style qui lui échappe et deux voix féminines d’une déplorable inconsistance. Par son souffle épique, la direction de Jonathan Nott va à l’essentiel, quitte à amenuiser les oppositions de coloris pour parvenir à un Prestissimo effréné en guise d’apothéose. Et le public applaudit longuement l’ensemble du plateau, notamment le chœur zurichois qui mérite les ovations.

A l’OSR, un Petrouchka à la rescousse

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A la veille d’une importante tournée qui doit les amener à Munich, Cologne, Brême, Anvers et Lille, l’Orchestre de la Suisse Romande et son chef titulaire, Jonathan Nott, revêtent leur tenue officielle (pratique se raréfiant au cours de la saison !) pour présenter au Victoria Hall les deux programmes donnés en alternance. 

Le second s’ouvre par le deuxième des mouvements symphoniques d’Arthur Honegger, Rugby, écrit en 1928 et créé par Ernest Ansermet et l’Orchestre symphonique de Paris le 19 octobre de la même année. De cette brève page de huit minutes, Jonathan Nott s’ingénie à dégager le fauvisme sauvage qu’accentue la stridence des bois, auxquels finit par répondre le cantabile des violons. Les échanges entre les diverses sections s’achèvent par une choral qui surprend l’auditeur abasourdi. 

Intervient ensuite la pianiste géorgienne Khatia Buniatishvili, qui devait être l’interprète du Premier Concerto de Tchaikovsky et du Troisième de Rachmaninov mais qui, Dieu sait pourquoi, n’a jeté son dévolu que sur la première des œuvres susmentionnées. Artiste ô combien médiatisée comme une rockstar pour son physique avantageux, elle attaque à la tronçonneuse ce pauvre opus 23 si galvaudé en arrachant les accords de l’introduction, n’hésitant pas à modifier les valeurs rythmiques par un rubato hors de propos pour soumettre l’Allegro con spirito subséquent à une vélocité ahurissante malaxant les basses. Les traits en octaves tiennent de la volée de flèches tirée par un arbalétrier insensé que le chef tente d’apaiser en osant laisser affleurer le canevas mélodique. En de trop brèves accalmies, la cadenza bénéficie d’un jeu clair où s’insinuent de méditatives inflexions que récupérera l’Andantino semplice, avant que le tout ne soit englouti par le Prestissimo médian, haletant comme une pouliche qui avalera en deux tours de piste l’Allegro con fuoco conclusif. Aberrant ! Mais la volonté d’épater le bourgeois a un impact immédiat sur nombre d’auditeurs non-connaisseurs qui applaudissent à tout rompre. La mine réjouie, la pianiste enchaîne trois bis, un Clair de lune de Debussy diaphane par ses demi-teintes liquides, un choral de Bach pondéré encadrant la Friska de la Deuxième Rhapsodie Hongroise de Liszt tournant au tohu-bohu orgiaque. Au terme de ce numéro de cirque, l’on en vient à se demander où était donc la musique …

A Genève, l’OSR fête Noël

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Dans la semaine qui précède Noël, l’Orchestre de la Suisse Romande organise un concert exceptionnel qui est donné en la Cathédrale Saint-Pierre de Genève le 21 décembre, en la Salle Métropole à Lausanne le 22. Le programme inclut quatre voix solistes et le Chœur de Chambre de la Haute Ecole de Musique de Genève. 

En ce qui concerne la première soirée, il faut d’abord relever que, dans la vaste nef de l’église, le son émis depuis le maître-autel est de bonne qualité sans que l’écho brouille les lignes de force du tissu orchestral. 

Sous la direction de Jonathan Nott, le programme débute par une cantate profane de Joseph Haydn, la scena Berenice, che fai ? sur un texte tiré de l’Antigono de Pietro Metastasio, écrite sur mesure pour Brigida Giorgi Banti qui en assurera la création au King’s Theatre de Londres en mai 1795. La mezzosoprano Marie-Claude Chappuis en est la soliste, donnant au recitativo initial une expression contrastée qui met en lumière le déchirement et les doutes qui assaillent l’héroïne, confrontée à la disparition tragique de Demetrio, son amant. Le Largo lui fait développer un legato intense soutenant sa morne résignation, tandis que l’Allegro conclusif l’entraîne jusqu’aux extrémités de la tessiture pour traduire son désespoir et sa volonté de mettre fin à ses jours. 

A Genève, l’adulation de Frank Peter Zimmermann 

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‘Un final réjouissant’, ainsi est intitulé le dernier concert de la saison 2021-2022 de l’Orchestre de la Suisse Romande. Sous la direction de Jonathan Nott, l’artiste en résidence en a été le violoniste Frank Peter Zimmermann qui, en trois soirées, nous a présenté des pages aussi rares que la Première Rhapsodie de  Béla Bartók   la Suite Concertante de Bohuslav Martinů  et le Concerto en ré mineur de Robert Schumann. 

Mais c’est par un ouvrage célèbre, le Concerto en ré majeur op.77 de Johannes Brahms que s’est achevé ce cycle le mercredi 9 juin. Confronté à un tissu orchestral d’une épaisseur consternante qui souscrit à la grosse artillerie en laissant les vents ignorer toute indication de nuance, le soliste tire son épingle du jeu en imposant progressivement un grain pathétique qui retient ses élans pour modeler un cantabile suave imprégné de poésie intimiste. Une technique à toute épreuve lui permet de négocier les traits échevelés de la première cadenza, de nourrir d’un lyrisme généreux l’Andante médian et d’imprégner le Final d’une impétuosité alla zingara qui deviendra effervescente dans la coda. Le public ne s’y trompe pas en faisant fête au violoniste qui, en bon prince souriant, enchaîne deux pages lentes de Bach en faisant chanter les doubles cordes.

A Genève, Renaud Capuçon magnifie Elgar 

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Le mercredi 13 avril, l’affiche du concert de l’Orchestre de la Suisse Romande dirigé par Jonathan Nott avait pour intitulé ‘Capuçon joue Elgar’. Et c’est effectivement le Concerto pour violon en si mineur op.61 de sir Edward Elgar qui attire l’attention. Cet ouvrage délibérément long a été créé à Londres le 10 novembre 1910 par Fritz Kreisler sous la direction du compositeur qui en réalisera, vingt-deux ans plus tard, un mémorable enregistrement avec un prodige de seize ans… Yehudi Menuhin. 

De la vaste Introduction comportant six thèmes, Jonathan Nott exacerbe les lignes de force pour extirper un lyrisme exalté frisant le pathétique ronflant, ce à quoi répond le solo avec de méditatives inflexions qui se corsent progressivement. Il faut relever que rarement Renaud Capuçon a produit une pareille ampleur de son lui permettant de faire entendre chacune de ses interventions, même s’il doit affronter de massifs tutti. Son art de faire respirer la phrase l’amène à produire un cantabile nostalgique qui se limitera à un simple contre-chant dans l’Andante médian. Il se laisse gagner peu à peu par un lyrisme généreux que le Final rendra dramatique avec des traits incisifs sollicitant une constante virtuosité. Le rappel des thèmes précédents étoffe la cadenza, libre comme une improvisation, avant de conclure par une brève péroraison aux accents éclatants qui suscitent l’enthousiasme du public acclamant particulièrement la prestation remarquable du soliste.

A Genève, Jonathan Nott et le XXe siècle  

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Pour la série ‘R comme Romande mais aussi Rareté’, Jonathan Nott consacre le programme du 16 mars de l’Orchestre de la Suisse Romande à trois œuvres majeures du XXe siècle. Il décide surtout d’en juxtaposer deux que l’on a souvent rapprochées, Le Sacre du Printemps, datant de l’hiver 1912-1913, et Arcana qu’Edgar Varèse composa entre 1926 et le printemps de 1927.

Du célèbre ballet d’Igor Stravinsky qui est devenu aujourd’hui un classique, il conçoit l’Introduction comme une longue improvisation menée par le basson dans l’aigu permettant aux bois de développer librement leur couplets. Pour la Danse des adolescentes, il recherche la précision du trait tout en accusant la pesanteur des accords dans les parties de cordes. Les Rondes printanières, le Jeu des cités rivales sont de véritables orgies sonores  tourbillonnant jusqu’à l’entrée des cuivres hiératiques qui accompagnent le Cortège du Sage. Puis une tenue en pianissimo imprégnée de mystère est engloutie par le presto sauvage de la Danse de la Terre. L’Introduction de la seconde partie paraît trop présente en nous privant d’une connotation envoûtante que finira par nous restituer le dialogue des cordes avec les trompettes en sourdines. Sur le pizzicato des violoncelles et contrebasses s’appuyant sur la percussion surgit la Glorification de l’élue. Le rallentando permettant l’Evocation des ancêtres est rapidement zébré par les stridences de la trompette propulsant la Danse sacrale, d’un fauvisme extrême par ses traits à l’arraché.

A Genève, l’OSR à la veille d’une tournée 

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Avant d’entreprendre une tournée en Espagne faisant halte à Oviedo, Madrid, Saragosse, Barcelone et Alicante, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande présentent l’un de leurs  programmes au Victoria Hall le mercredi 16 février. Mais Emmanuel Pahud, mis en quarantaine à cause d’une infection au Covid-19 jusqu’à cette date-là, ne peut pas assurer sa participation à la soirée. Et c’est Loïc Schneider, flûtiste solo de l’ensemble romand depuis 2009, qui le remplace dans l’exécution du Concerto de Jacques Ibert datant des années 1932-1933. 

Même si le tutti est d’une épaisseur étouffante, le soliste réussit à faire entendre ses traits brillants interminables tout en cultivant une veine lyrique qui se pare de tendresse idyllique dans l’Andante où le canevas s’allège. Quant au Final, il prend un caractère burlesque par ses éclats sautillants qui, brusquement, s’estompent pour faire place à une mélancolie passagère, vite dissipée par la cadence virtuose et la stretta endiablée. Face à l’accueil enthousiaste des spectateurs, Loïc Schneider offre de bonne grâce un bis, Syrinx de Claude Debussy, conçue comme une incantation lente qui devient confidentielle par sa conclusion en points de suspension pianissimo.

A Genève, Jonatan Nott, flamboyant chef de concert

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Le lendemain de la première dElektra au Grand-Théâtre de Genève, l’infatigable Jonathan Nott dirige l’Orchestre de la Suisse Romande dans un programme Schumann-Brahms présenté au Victoria Hall le 25 janvier, à la Salle Métropole de Lausanne, le lendemain. Et il faut bien admettre qu’au concert, il possède un magnétisme et un rayonnement que la fosse de théâtre semble engloutir, au point de se demander si l’on a affaire au même chef. 

Le programme débute par l’un des ouvrages de Robert Schumann souvent relégués dans les fonds de tiroir, le Concerto pour violon et orchestre en ré mineur qui a pour soliste Frank Peter Zimmermann, l’artiste en résidence de la saison. Dans l’introduction orchestrale, le chef s’ingénie à assouplir le phrasé dans une optique qui la rapproche du Vivace de la Symphonie Rhénane. Le violon lui répond par des traits interrogatifs en demi-teintes qui se chargent peu à peu d’une sève pathétique foisonnante. Le Langsam médian se développe en un choral qu’énoncent les cordes graves suggérant au soliste un ton de confidence recueillie alors que le Final ‘alla polacca’ brille par une élégance racée qui suscite l’enthousiasme du public. Visiblement touché, Frank Peter Zimmermann propose en bis une page de Bach, une Sarabande en si mineur dont les doubles cordes rehaussent l’expression méditative.

A Genève, une Elektra en équilibre… instable   

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Depuis les représentations de novembre 2010 avec Jeanne-Michèle Charbonnet et Eva Marton dirigées par Stefan Soltesz qui n’ont pas laissé de souvenir mémorable, le Grand-Théâtre de Genève n’a pas remis à l’affiche l’Elektra de Richard Strauss. Onze ans plus tard, son directeur, Aviel Cahn, fait appel au régisseur allemand Ulrich Rasche qui vient de réaliser à Munich la production de la tragédie éponyme de Hugo von Hofmannsthal. Pour la mise en musique de Richard Strauss, le scénographe conçoit une structure métallique pesant plus de onze tonnes surmontée d’une cage de près de deux tonnes constituant une tour écrasante, entourée de deux disques rotatifs lumineux qu’arpentent inlassablement les cinq servantes et leur surveillante selon une dynamique dictée par le rythme musical. Sous de  fascinants éclairages élaborés par Michael Bauer accentuant la sensation de froideur claustrale du royaume des Atrides, le pivot central se fractionne afin de livrer un espace de jeu en déclivité, ce qui oblige les protagonistes à s’arrimer par une corde à un noyau central. Pour cette raison, les costumes de Sara Schwartz et de Romy Springsguth ne sont donc que des justaucorps gris noirs équipés d’une ceinture de varappeur qui permettent  aux quinze solistes ce perpétuel va-et-vient sans la moindre direction d’acteur. Il faut donc relever le mérite de chacun de tenter de chanter sa partition, même si, pour la plus grande part d’entre eux, il est presque impossible de rendre le texte intelligible. Mais cette sempiternelle mise en mouvement finit par lasser en générant un ennui que ne pourront dissiper les éclatantes lumières de la péroraison. 

A l’OSR, une première suisse de Pascal Dusapin

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Sous le titre ‘Feux d’artifice’, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande placent le concert du 18 novembre dont le plat de résistance est la première suisse de Waves, duo pour orgue et orchestre de Pascal Dusapin. A ce propos, le compositeur écrit : « Une vague, c’est une variation et au même instant un renouvellement, une forme qui se déforme, la distorsion d’une masse… L’orgue est orchestré avec l’orchestre, le contraire aussi. Les deux s’entrechoquent, se rétractent et s’abattent l’un sur l’autre, se gauchissent sous le flux constant d’énergies inverses jusqu’à se dissimuler l’un à l’autre en confondant leurs volumes harmoniques ». Effectivement aux stridences des cuivres répond l’orgue du Victoria Hall tenu par Olivier Latry, le titulaire de la console de Notre-Dame de Paris, qui développe son propre discours comme s’il émanait du tutti. Alors que, de la tribune, il dialogue avec deux bugles disposés latéralement, il impose graduellement une connotation pacificatrice quelque peu énigmatique avant de s’amalgamer à cette houle rhapsodique qui s’amplifie jusqu’à un paroxysme triomphal. Et le public ne s’y trompe pas en acclamant, le soliste, le chef et son orchestre ainsi que le compositeur qui manifeste son approbation de l’exécution tout en laissant affleurer son émotion.

A l’OSR, un artiste en résidence, Frank Peter Zimmermann  

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Depuis quelques années, l’Orchestre de la Suisse Romande invite un artiste en résidence qui se produit plusieurs fois au cours de la même saison. Pour 2021-2022, le choix s’est porté sur le violoniste Frank Peter Zimmermann que l’on entend régulièrement à Genève. 

Pour le concert du 29 septembre que dirige Jonathan Nott, le soliste opte pour deux œuvres peu connues. La première est une page brève de Béla Bartók  datant de 1929, la Rhapsodie n.2 Sz.90 dont les tutti massifs laissent percevoir la veine tzigane. Le violon semble improviser librement avant de mettre en évidence le caractère rythmique de chaque motif. L’accumulation de ces phrases produit une danse effrénée occasionnant de périlleux sauts de cordes.

Tout aussi rare, la Suite concertante que Bohuslav Martinů réélabora entre novembre 1943 et février 1944 à l’intention du violoniste Samuel Dushkin qui la créa à Saint-Louis en décembre 1945. Qui sait pourquoi l’œuvre disparaîtra de l’affiche durant plus de cinquante ans. Frank Peter Zimmermann nous en révèle la virtuosité explosive avec ses véhéments coups d’archet qui accusent les dissonances de la Toccata initiale, alors que l’Aria baigne dans un lyrisme méditatif que rend expressif le cantabile du soliste. Le Scherzo est un ‘saltarello’ bondissant alors que le Rondò final a une quadrature plus rigoureuse que le violon émiettera au gré de traits brillants amenant une conclusion explosive qui déchaîne l’enthousiasme des spectateurs. En bis, le soliste fait table rase de tout artifice pour délivrer un Largo de Bach qui est musique pure…

A l’OSR, le Mahler de Jonathan Nott 

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Avec le soutien de la Société Gustav Mahler de Genève, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande dédient leur programme du 30 septembre à l’illustre symphoniste autrichien en sollicitant le concours de la soprano bavaroise Christiane Karg.

Dans une musique que l’on associe volontiers aux timbres graves d’une Kathleen Ferrier, d’une Christa Ludwig, d’une Janet Baker, cette voix fruitée à la diction impeccable présente cinq des Rückert Lieder en commençant par Blicke mir nicht in die Lieder ; elle y développe un legato soutenu qui masque la faiblesse du bas medium s’étoffant progressivement avec Ich atmet’einen linden Duft où elle irise de sonorités aériennes le mot « linden ». Par contre, dans le sombre Um Mitternacht et dans le rasséréné Liebst du um Schönheit, elle s’arme de lyrisme pathétique pour tenir tête à des cuivres et à des bois qui ignorent systématiquement les nuances ‘mezzo forte’ et ‘piano’. Et c’est finalement le sublime Ich bin der Welt abhanden gekommen qui est le mieux équilibré dans ce phrasé en éventail se déployant avec lenteur en réponse à un cor anglais qui, lui, sait ce que signifie l’indication ‘pianissimo’.

Un second cycle Mozart à l’OSR    

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Après une première série Mozart des 6, 8, 16 et 18 juin et une Neuvième de Beethoven sans public mais filmée par la télévision et diffusée par Arte le dimanche 21 juin, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande proposent un second programme Mozart les 23 et 25 juin en sollicitant le concours de ses deux premiers violons soli comme interprètes de l’un des concerti

Ainsi le premier soir, Svetlin Roussev présente le Quatrième en ré majeur K.218 en répondant au brio de l’introduction instrumentale par un jeu d’une extrême élégance, compensant la sonorité opaque de son grave par la finesse de ses aigus et achevant l’Allegro initial par une cadenza inventive. L’équilibre entre les registres est rétabli par l’Andante cantabile où la ligne du solo semble continue en planant au-dessus du tutti qu’elle émoustillera d’élans primesautiers pour un finale brillant où se glisse un motif de gavotte à tempo retenu. En bis, Svetlin Roussev est éblouissant de virtuosité dans le diabolique Treizième Caprice en si bémol majeur de Paganini. 

À l’OSR, Mozart pour un retour à la vie ! 

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Samedi dernier, le 6 juin, le Victoria Hall a rouvert ses portes pour accueillir l’Orchestre de la Suisse Romande et son chef titulaire, Jonathan Nott. Mais les normes de sécurité et les distances sociales imposées par les restrictions liées à la pandémie du Coronavirus ont limité la jauge de salle à 250 personnes. Sur scène, l’effectif est réduit à trente musiciens qui proposent un programme Mozart d’une durée d’une heure sans entracte, offert gratuitement au public les 6, 8, 16 et 18 juin. 

Quelle surprise de se retrouver dans cette salle volontairement clairsemée au parterre et dans les loges où ne sont admis que deux spectateurs mais où se glisse discrètement Martha Argerich, amie très proche de Nelson Goerner qui est le soliste du 23e Concerto en la majeur K.488. Tout sourire, en tenue décontractée comme ses instrumentistes, Jonathan Nott en imprègne l’Introduction du plaisir de faire de la musique dans un esprit chambriste, allégeant les fins de phrase tout en nuançant le discours. Une fois que l’oreille s’est adaptée à cette sonorité si particulière que produit la distance entre les pupitres dans un lieu rempli au quart, l’on se concentre sur le pianiste au jeu perlé et à l’articulation claire donnant une patine brillante au discours rapide qui culmine dans une cadenza volubile. Par contre, l’Adagio exprime une profonde tendresse en répondant au dialogue de la flûte et de la clarinette, tandis que le Finale est enlevé avec un brio époustouflant. Devant l’enthousiasme du public, Nelson Goerner égrène avec une touchante nostalgie une page de son compatriote Carlos Guastavino, Bailecito.

A l’OSR, un cycle qui finit en beauté 

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Au cours de cette saison, l’Orchestre de la Suisse Romande a mis en perspective les créations de Benjamin Britten et de Dimitri Chostakovitch en un cycle de quatre concerts. Le dernier a eu lieu ce mercredi 5 février sous la direction de son chef titulaire, Jonathan Nott. Après avoir présenté, lors du premier, les Four Sea Interludes (les Quatre Interludes maritimes) op.33a extraits de Peter Grimes, il nous propose la Passacaglia op.33b qui sert d’intermède entre les deux tableaux de l’acte II, alors que les habitants du Borough battent du tambour pour marcher vers la cabane du pêcheur et lui faire payer la mort mystérieuse d’un premier apprenti. Sur un pizzicato des cordes graves, l’alto solo symbolise la prise de conscience de Grimes en un cantabile plaintif que lacèrent les bois, les cuivres puis la phalange des violons proférant les cris de la populace. Mais le tout se résorbera avec la réapparition de la viola dialoguant avec le célesta pour traduire la consternation face à la maison vide et la peur de l’abîme.

A l’OSR, deuxième volet Britten-Chostakovitch 

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Dans la série de quatre concerts dédiés aux deux figures emblématiques que sont Benjamin Britten et Dimitri Chostakovitch,, à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, avait mis en perspective, à la fin septembre dernier, les ‘Four Sea Interludes’ de Peter Grimes et deux pages majeures du musicien russe, le Premier Concerto pour violon et la Cinquième Symphonie. Et le même projet juxtapose maintenant deux œuvres peu prisées du grand public, le Concerto pour violon du premier et la Quatrième Symphonie du second. 

Qui sait pourquoi, l’opus 15 de Benjamin Britten n’a émoustillé l’intérêt que de deux ou trois virtuoses de renom, Ida Haendel ou Ruggiero Ricci autrefois, Maxim Vengerov aujourd’hui. Elaboré entre Québec et Long Island au cours de l’été de 1939, créé avec succès à Carnegie Hall le 27 mars 1940 par Antonio Brosa et le New York Philharmonic dirigé par Sir John Barbirolli, ce concerto est défendu ici magnifiquement par la jeune violoniste Karen Gomyo, native de Tokyo mais établie à Montréal avant de devenir élève de Dorothy DeLay à la Juilliard School. Le Moderato con moto initial s’imprègne de mystère par le pianissimo des timbales préludant à l’entrée du soliste qui impose d’emblée une ligne superbe se corsant d’impétueux accents, tandis que le tutti virera au tragique. Le cantabile du violon fait sourdre la veine lyrique, ponctuée d’énergiques détachés qui se dilueront en un diminuendo de doubles cordes. Le Vivace médian prend ici un tour échevelé grâce aux vertigineux traits affrontant un tutti massif, alors que la ‘cadenza’ sera irradiée par un jeu d’une finesse extrême qui dominera le finale en forme de passacaille concluant sur une note sereine.

Jean-Guihen Queyras avec l'OSR à Genève

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Chaque saison, à l’occasion de la Journée des Nations Unies, l’Orchestre de la Suisse Romande donne un concert qui est présenté en prime au public le soir précédent. A cet effet, Jonathan Nott choisit un programme Beethoven – Haydn qui peut convenir à n’importe qui en commençant par une page brillante, l’ouverture que Joseph Haydn, au service du Prince Esterhazy, composa pour son dramma giocoso, Il Mondo della Luna, sur un livret de Carlo Goldoni, créé à Esterhaza le 3 août 1777. Sa baguette lui prête un tour alerte, pimenté d’ironie, que façonne la souplesse de phrasé des cordes, se mettant ensuite au second plan pour laisser chanter les bois, tout en insufflant exubérance au tutti. Intervient ensuite le violoncelliste Jean-Guihen Queyras, interprète du Concerto en ut majeur Hob.XVIIB.1 ; d’emblée, il prend part à l’introduction orchestrale avant de livrer le solo dans une sonorité mordorée d’une rare ampleur qui confère éclat à son jeu, usant magistralement des doubles cordes pour faire sourdre les contrastes de coloris ; et sa première cadenza révèle une extrême liberté de ligne, tout en conservant pour point de mire la thématique du Moderato. L’Adagio n’est que demi-teintes expressives à fleur de touche, tandis que le Finale, extrêmement rapide, éblouit par ses traits à la pointe sèche qu’emporte un irrésistible entrain. Devant l’enthousiasme délirant du public, le soliste, manifestement ému, concède deux bis, une page d’Henri Dutilleux, la Première Strophe sur le nom de Sacher, sollicitant les ressources les plus inattendues de l’instrument, suivie du Prélude de la Quatrième Suite en mi bémol majeur de Bach, à la sérénité majestueuse.

Le Chostakovitch de Jonathan Nott

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Selon la volonté de Jonathan Nott, son directeur artistique, la saison 2019-2020 de l’Orchestre de la Suisse Romande est placée sous l’égide de deux figures de proue du XXe siècle, Benjamin Britten et Dimitri Chostakovitch.

C’est pourquoi le premier concert du 25 septembre a débuté par les Four Sea Interludes op.33a extraits de Peter Grimes, le premier chef-d’œuvre lyrique du musicien britannique. Dawn est évoqué par les longues phrases des violons recherchant un véritable unisson, tandis que les bois accélèrent les zébrures de l’aube, avant de se parer de nervures astringentes afin de dépeindre un Sunday Morning dont les cuivres imitent les carillons. Moonlight tient ici du thrène pesant tandis que, ponctuée par une percussion martelant la basse, déferle la houle de Storm au travers de laquelle affleurera une ultime supplique des violons en quête de rédemption salvatrice.

L’OSR en partance pour Santander

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Le 31 août prochain, l’Orchestre de la Suisse Romande et son chef, Jonathan Nott, seront les invités du Festival International de Santander ; en préambule, le programme choisi pour cette occasion a été présenté au Victoria Hall de Genève le mercredi 28 et a débuté par l’un des piliers du répertoire, la Septième Symphonie en la majeur op.92 de Beethoven.

Par de virulents accords aussitôt enlevés, le Poco sostenuto initial joue des contrastes d’éclairage en allégeant les traits de cordes alors que la transition use du rallentando afin de détailler chaque note avant que ne se développe un Vivace exubérant qui évite de surcharger le discours. L’Allegretto qui suit avance avec fluidité en s’appuyant sur la pulsation des graves, tandis que le fugato médian se voile de demi-teintes mélancoliques émanant du cantabile des bois. Le Scherzo est rendu effervescent par le dessin bondissant des archets que les cors élargissent à peine pour chanter en pianissimo le motif religieux du trio. Et le Finale n’est plus qu’une débauche de coloris aveuglants que ponctuent de cinglantes timbales en ce qui pourrait bien être une apothéose de la danse selon la formule wagnérienne.

À Genève, une création à l’OSR  

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Pour l’un des derniers concerts de la saison 2018-19, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande présentent une de leurs commandes dont ils ont assumé la création le mercredi 8 mai, le Concerto pour flûte et orchestre ‘Memento Vivere’ qu’Eric Montalbetti a écrit à l’intention d’Emmanuel Pahud. Selon les dires du compositeur, le sous-titre « Souviens-toi que tu es vivant » signifie que la flûte est avant tout l’instrument du souffle et que l’arrêter serait comme le faire mourir. Dans une esthétique qui rappelle le dernier Messiaen, l’œuvre est d’un seul tenant, même si elle comporte quatre parties qui s’enchaînent les unes aux autres. Ainsi, le Prélude aux Dieux antiques est développé comme une houle incantatoire suscitant les volutes de la flûte, comme un Premier souffle s’appuyant sur un tissu de cordes, xylophone et harpe que lacéreront de fulgurantes stridences. Le soliste recourt alors à la flûte basse pour évoquer un Memento mori dans le registre grave. Mais un dialogue entre le violon solo et l’alto donne libre cours à une Renaissance en trois parties, accumulant les blocs sonores sur lesquels se juchera la flûte délivrant un message d’espoir. Et les spectateurs ovationnent le soliste et le compositeur, visiblement ému et humblement reconnaissant de la qualité d’une exécution dont, en l’espace de deux jours, pourront témoigner les publics de la Seine Musicale à Paris et du Lac Sala Teatro à Lugano.

L’Orchestre de la Suisse Romande à la veille d’une tournée en Extrême-Orient

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Du 4 au 20 avril prochains, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande vont entreprendre une longue tournée en Asie et donner des concerts à Pékin, Shanghai, Séoul, Tokyo, Nagoya et Osaka. Leurs deux programmes ont d’abord été présentés au Victoria Hall au cours de deux soirées, les 27 et 28 mars. Le premier juxtapose Debussy, Stravinsky et Dukas, le second, Mendelssohn et Mahler.

Le premier a une saveur quelque peu âpre, en proposant Jeux, le poème dansé que Claude Debussy avait élaboré pour les Ballets Russes entre l’été 1912 et le début 1913. Cette partition complexe, Jonathan Nott l’aborde dans une mystérieuse lenteur où se dessinent plusieurs motifs jouant sur la richesse des timbres, avant qu’une vrille ne produise une première phrase mélodique, aussi souple que la balle de tennis que s’échangent les trois partenaires de l’argument. Chaque segment acquiert un caractère par l’emploi d’un rubato subtil, tandis que les bois élaborent un motif de choral qui finira par se diluer aussi énigmatiquement que le début. Puis est présentée une page de jeunesse, mal-aimée par son auteur, la Fantaisie pour piano et orchestre en sol majeur, écrite entre 1889 et 1890, ayant pour soliste le jeune Jean-Frédéric Neuburger. L’introduction orchestrale, ployant sous la mélancolie, est irradiée par les trilles du clavier, révélant un jeu puissant qui se veut sensible aux notes pointées mais qui manque singulièrement de brillant, impression qui s’atténue avec le Lent, élégiaque par les arpèges perlés ; les giboulées de notes rapides lancent un finale où les traits martelés provoquent une exubérance modérée. En bis, le pianiste révèle ses limites en négociant dans une lourdeur pâteuse deux des Préludes op.28 de Chopin, les numéros huit en fa dièse mineur et treize en fa dièse majeur.

L’OSR centenaire !

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En cette dernière semaine de novembre, l’Orchestre de la Suisse Romande commémore ses cent ans d’existence par trois concerts exceptionnels.

Le 27 novembre, Jonathan Nott, son directeur artistique et musical, a choisi un programme éclectique débutant par une œuvre étroitement associée au répertoire de la formation, la Troisième Symphonie dite Liturgique d’Arthur Honegger, créée à Zürich le 17 août 1946 sous la baguette de son dédicataire, Charles Münch puis mise régulièrement à l’affiche par Ernest Ansermet. «J’ai figuré musicalement le combat qui se livre dans le cœur (de l’homme) entre l’abandon aux forces aveugles qui l’enserrent et l’instinct du bonheur, l’amour de la paix, le sentiment du refuge divin», déclarait le compositeur. Dans le Dies irae initial, le chef provoque l’opposition des blocs sonores aux arêtes tranchantes pour faire surgir l’exaltation des cordes face à la rigidité des cuivres. Le De profundis clamavi est une sombre méditation que transperce le lyrisme consolateur des violons contrepointé par les volutes de la flûte. Et le Dona nobis pacem ressemble à une marche inexorable, scandée par les cordes jusqu’au paroxysme de la violence ; puis un legato soutenu exprime l’apaisement en une conclusion impressionnante.

A l’OSR, l’Ecole de Vienne et Brahms

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Pour les trois premiers concerts de saison de l’Orchestre de la Suisse Romande, Jonathan Nott a décidé de mettre en parallèle l’Ecole de Vienne et Brahms. Après les Six Pièces pour orchestre op.6 d’Anton Webern (présentées le 3 octobre) a été proposé, le 17, Erwartung, le monodrame d’Arnold Schoenberg composé entre la fin août et la mi-septembre 1909.