Deux concerts inoubliables à la basilique Sainte-Marie-Madeleine à Vézelay
Retour à la basilique Sainte-Marie-Madeleine. Dans l’enceinte désormais restauré de cet espace mythique étroitement lié à la lumière (au solstice d’été à midi, les rayons du soleil entrant des fenêtres sud forment un alignement de lumière au centre de la nef), on assiste encore à deux concerts inoubliables avec Les Métaboles et l’Ensemble Les Surprises.
« Symphonie Chorale » par Les Métaboles
Une cinquantaine de chanteurs des Métaboles et leur chef Léo Warynski proposent de traverser cinq siècles de chant choral. D’abord Spem in alium de Thomas Tallis à 40 voix, chanté en cercle. Si on pense tout de suite à une œuvre de son époque tout aussi monumentale, la Messe à 40 voix et à 60 voix de Striggio magnifiquement portée par le Concert spirituel et Hervé Niquet (disque paru en 2012), on ne connaît pas une référence française pour Tallis. L’interprétation des Métaboles dans ce concert marquera donc une date. Les chanteurs font d’emblée montre de leur excellence, chaque voix parfaitement mise en place. Vient ensuite Tutto in una Volta pour double chœur de Filidei (2020), sur un poème décousu et dénué de sens de Nanni Balestrini (1935-2019), avant-gardiste des années 1960. Contrairement au texte, la musique suit une construction soigneuse, basée sur des répétitions évolutives faisant appel à des écritures considérablement variées. Puis, la transcription de l’Adagietto de la 5e Symphonie de Mahler par Gérard Pesson où se distinguent l’alto Laura Muller par son timbre charnu et dense et la soprano Anne-Laure Hulin, avant d’arriver au clou de la soirée, Concerto pour chœur (1985) d’Alfred Schnittke. Au cours des quatre mouvements de ce grand motet à 16 parties, sur une poésie arménienne médiévale, on entend de multiples intervalles augmentés et diminués, des polyphonies anciennes, des micro-chromatismes ou encore de véritables masses vocales, d’où surgissent des voix en solo (la soprano Maya Villanueva, le ténor Marco van Baaren et la basse Guillaume Olry). Ces harmonies à la fois mystiques et intelligibles résonnent longtemps dans la tête, car on ne sort pas indemne d’un tel océan de voix.
Concert du 25 août 2023 à la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay.
Grande Odes par l’Ensemble Les Surprises
Le concert de clôture de la 23e édition des Rencontres Musicales de Vézelay est confié à son habitué, l’Ensemble Les Surprises et son chef Louis-Noël Bestion de Camboulas. La soirée évoque la fête de la Sainte-Cécile à travers deux œuvres : Begin the Song ! de John Blow (1684) et Hail ! Bright Cecilia de Henry Purcell (1692). Ces odes, composées pour la partie la plus festive de la commémoration après un service religieux, un sermon et un banquet, rendent hommage au pouvoir de la musique. Si la partition de Blow est déjà festive avec des airs en solo repris souvent par le chœur (on imagine que les membres de la confrérie chantaient aussi en chœur !), celle de Purcell l’est encore davantage, avec son riche instrumentarium dans lequel des imitations de la nature reprennent des évocations imagées de Nicholas Brady dans son poème. Après une symphonie de grande envergure avec plusieurs parties lentes et rapides, c’est un enchaînement d’airs en solo, duo, trio et chœur, tous marqués par la délicatesse de phrasé, l’aisance rythmique et l’homogénéité des timbres aussi bien chez les solistes que les choristes. C’est aussi une combinaison de sonorités, une alternance de caractères soulignés et opposés (doux, gai, martial, apaisé) d’harmonies parfois étranges… Tout servi avec précision et exigence par Louis-Noël Bestion de Camboulas. La festivité des Rencontres Musicales se termine avec deux bis, l’anthem Hear my prear, O Lord et Hornpipe (extrait de Fairy Queen) de Purcell, confirmant la perfection réjouissante de l’Ensemble.
Concert du 28 août 2023 à la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay.
Victoria Okada
Crédits photographiques : © Vincent Arbelet