Maîtrise et liberté pour Ion Marin à l’ONB

par

Hector Berlioz (1803-1869), Le Carnaval romain, ouverture caractéristique, op.9 – Jean Sibélius (1865-1957), Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op.47 – Ottorino Respoghi (1879-1936), Fontane di Roma, P.106 – Pini di Roma, P.141
Orchestre National de Belgique, Ion Marin, direction, Simone Lamsma, violon
Répertoire surprenant et passionnant autour de l’Italie pour cette nouvelle série de l’Orchestre national de Belgique. Sous la baguette du chef austro-roumain Ion Marin, le concert débute par une lecture énergique et précise de l’ouverture du Carnaval romain de Berlioz. Accents pointus, phrasés bien conduits, l’œuvre se déploie comme un seul filament. D’une battue légère, l’interprétation de Marin est douce, sans à-coups, tout en laissant de la liberté aux musiciens. Coups d’archets intelligents permettant un jeu de dynamiques saisissant. Cette souplesse se retrouve dans l’exécution du Concerto pour violon de Sibélius. Souvent considéré comme le plus beau concerto du répertoire violonistique, Simone Lamsma en propose une lecture expressive. Loin de la virtuosité inutile, elle développe des sonorités poétiques dans le premier mouvement aux couleurs tragiques tandis que sa cadence est aboutie. L’orchestre l’accompagne avec une écoute incroyable. Jamais surpassée ni devancée, Marin cherche la maîtrise parfaite des nuances douces. Direction linéaire dans cette œuvre à la forme libre et masse sonore très homogène. La battue est à nouveau calme et s’agite un peu dans les rares décalages. La sensibilité et l’écoute des artistes sont remarquables. Préférant diriger vers la gauche, Marin trouve facilement l’équilibre entre soliste et orchestre. Emouvant légato pour les vents débutant le second mouvement, laissant de la place acoustique pour la soliste. Vibrato expressif mais pur pour cette longue poésie. Véritable chant d’amour, ce mouvement montre une complicité certaine entre les artistes. Belle énergie rythmique pour le dernier mouvement où les cordes déploient un son feutré mais clair. Les tuttis sont en revanche imposants et trouvent facilement leur place. Musicienne au talent immense, Lamsma propose un largo de Bach pour conclure sa prestation. Très lent, on y retrouve les caractéristiques musicales du concerto.
La soirée se conclut par une lecture prodigieuse des deux premiers poèmes symphoniques de Respighi avec un Marin à l’affût des sonorités colorées et symboliques. Sur des arrangements de danses italiennes et pièces pour luth, chaque fontaine (quatre au total) se caractérise par une ambiance, une couleur, un mode de jeu ou encore une nuance, propres à la nature avoisinante. La Fontana del Tritone est explosive et nous rappelle l’œuvre de Dukas par les phrases arpégées et fugitives des vents. Wagner se retrouve dans La Fontaine de Trevi par l’instrumentation riche et complexe. Effets de résonances saisissants pour La Fontaine de la villa Medici qui conclut ce premier cycle. Sans pause, l’orchestre enchaîne la lecture des Pins de Rome, second poème symphonique écrit sept ans plus tard (1923). L’agencement du timbre associé aux recherches instrumentales est prodigieux. Musique libre et souple, ce second poème expose les visions et souvenirs de la vie à Rome. Pittoresque et animés, les Pins de la villa Borghese relatent une grande cavalcade tandis que pour les catacombes, Respighi joue sur les registres graves des cordes. Des oiseaux (numériques) se joignent au troisième mouvement offrant une sensation de légèreté et de plénitude avant le long crescendo concluant l’œuvre.
Succès mérité pour Ion Marin, chef à l’écoute, dont la battue particulièrement musicale offre à l’ONB, sans surprise, la meilleure production de ce début de saison.
Ayrton Desimpelaere
Palais des Beaux-Arts, le 25 octobre 2013

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