Schumann et Grieg par Elisabeth Leonskaja

Robert Schumann (1810-1856) : Concerto pour piano en la mineur, op.54 ; Edvard Grieg (1843-1907) : Concerto pour piano en la mineur, Op.16. Elisabeth Leonskaja, piano ;  Luzerner Sinfonieorchester, Michael Sanderling. 2023. Livret en anglais, français et allemand. 64’36’’. Warner Classics. 5 054197 837838. 

Warner classics continue de documenter la grande pianiste Elisabeth Leonskaja en concertos.  Après un album dédié à Beethoven, voilà celui consacré à la traditionnelle double affiche Schumann / Grieg. Cette proposition est pertinente car la grande musicienne, dont ces deux œuvres sont des chevaux de bataille, n’avait pas encore ces deux partitions dans sa plantureuse et qualitative discographie. 

Bien évidemment, l’approche est très maîtrisée, autant dans Schumann que dans Grieg. On sent la fréquentation intime de ces partitions avec une capacité à animer le discours avec une grande variété de nuances. Le Grieg est ainsi très hautement poétique, telle une ballade sous le soleil hivernal avec ses lumières irisées et froides. Le second mouvement s’avère être le grand moment pianistique de cet album avec un dialogue presque chambriste avec les pupitres de l’orchestre. Mais si la lenteur voulue est passionnante par les mondes suggérés, elle nuit un peu aux mouvements médians dont les tuttis sonnent un peu lourdement alors que les passages dialogués avec les vents sont toujours très beaux par la finesse du trait et des couleurs. Le Concerto de Schumann, se dévoile également subtil avec des tempis plutôt lents. La conception d’Elisabeth Leonskaja refuse tout clinquant et spectaculaire, mais au détriment d’une forme d’élan romantique. C’est un Schumann qui s’affirme plus intellectuel et anticipé que de coutume.  

Le Luzerner Sinfonieorchester est appliqué et concentré sous la direction probe de Michael Sanderling. Le chef est très attentif à servir sa soliste et à répondre à sa vision assez intimiste de ces œuvres. On regrette juste une certaine neutralité des timbres d’un orchestre solide dans ses individualités mais peu caractérisé dans sa sonorité d’ensemble. Le corollaire de cette vision lente et décantée est de ralentir la motorique naturelle de ces partitions. On est loin de la vision décapante et nerveuse de Lars Vogt et Simon Rattle (Warner) que nous avons récemment évoqué.

Dès lors, il est assez délicat de noter cette nouvelle version qui vient s’ajouter à une discographie pléthorique et tellement qualitative. La vision d’Elisabeth Leonskaja est très personnelle et mérite un profond respect. Sa conception retient l’attention et interroge, c’est déjà beaucoup ! Mais cet album, qui se savoure au fil des auditions, est plutôt à réserver aux grands connaisseurs de ces partitions qui pourront y découvrir des pistes de réflexions et des idées interprétatives.  

Son : 9  Notice : 8  Répertoire : 10  Interprétation : 8/9

Pierre-Jean Tribot