Un étonnant dictionnaire Bartók 

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La nouvelle collection Supersoniques des Editions de la Philharmonie de Paris nous offre un étonnant et stimulant petit livre consacré par le philosophe et musicologue français d’origine hongroise Peter Szendy qui fait ici oeuvre commune avec le plasticien Anri Sala pour un ouvrage consacré à  Béla Bartók  et qui prend ici l’apparence inattendue d’un « abécédaire ennuagé » (pour reprendre les termes de la page de garde). Le livre se présente comme un très intéressant petit dictionnaire bartókien où le texte cohabite avec de belles contributions de Sala qui prennent aussi bien la forme de poétiques photographies de nuages qui alternent -parfois sur une page, parfois sur deux- avec le texte de Szendy, mais peuvent aussi en orner les marges. Sala insère en outre d’inattendues interventions crayonnées dans le corps même du texte sous la forme des portées tracées au crayon et partiellement gommées, auxquelles l’artiste franco-albanais ajoute de fines figures délicatement tracées. Ces ajouts oblitèrent forcément des passages des articles de ce « dictionnaire amoureux » qui reste cependant toujours compréhensible (le lecteur étant mis au défi de les compléter pour autant qu’il le souhaite, à moins qu’il ne préfère laisser le mystère entier).

Fin connaisseur de la musique et de la vie de Bartók, Szendy est toujours intéressant, voire passionnant, comme -pour ne prendre que quelques exemples - dans l’entrée « C comme cerfs », consacrée à ce chef-d’oeuvre encore trop rarement entendu qu’est la Cantata profana, ou à « P comme phonographe » et « Q comme quiconque » retraçant les expéditions du compositeur dans des campagnes reculées pour y recueillir des enregistrements d’une pratique musicale alors encore très vivante mais paradoxalement menacée par le développement de la musique enregistrée.

Bartókiens novices et confirmés trouveront sous la plume de Peter Szendy d’intéressantes informations et réflexions sur l’art du compositeur. Les belles photos d’Anri Sala incitent de leur côté à la rêverie, et on peut espérer que les fragments de texte rendus quasi illisibles par l’intervention du plasticien inciteront le lecteur à faire travailler son imagination plutôt que le décourager.

Béla Bartók raconté par Peter Szendy et Anri Sala, Editions P, Cité de la musique-philharmonie de Paris, 2022, 64 pages.

Patrice Lieberman

 

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