CMIREB, 4e soirée des finales : place aux Etats-Unis

par

Plus que six candidats avant la proclamation des résultats samedi soir. Deux candidats ce jeudi 28 partagent la scène du Palais des Beaux-Arts, en compagnie de l’Orchestre National de Belgique et Marin Alsop.

© Bruno Vessiez
© Bruno Vessiez

La soirée débute de manière assez chaotique avec Wang Xiao. Au regard de sa biographie, on pouvait s’attendre à une très belle performance : étudiant au Curtis Institute of Music, Manhattan School of Music, collaborations avec Menahem Pressler, David Gilbert et deux premiers prix aux Concours International Szigeti et Concours International Heida Hermanns. Sa lecture de …aussi peu que les nuages… est certes maîtrisée mais pourrait gagner en souffle et en conduite des phrases. Dans un tempo relativement calme, il se laisse vite étouffer par l’orchestre qui offre une belle interprétation. Un soudain manque de confiance impose au candidat quelques erreurs techniques, notamment de justesse. Contrairement à d’autres versions entendues, celle de Wang Xiao n’est pas l’apogée musicale de la semaine. En seconde partie, il se lance dans le Concerto en ré mineur de Sibelius, non moins évident. De manière générale, le finaliste est peu enclin à diversifier son jeu, les dynamiques, les couleurs et le climat. Et cela, dès le début, avec une volonté de jouer dans des nuances fortes. Si l’on découvre un finaliste fébrile ce soir, une volonté de bien faire et d’aller au bout des choses se perçoit dans certaines sections. Malheureusement, un manque de dialogue avec Marin Alsop -plus tendue aussi, sollicitant très souvent l’orchestre à baisser dans les nuances- crée dans l’ensemble décalages et incohérence dans la balance. D’un caractère fougueux, le candidat oublie qu’il n’est pas seul sur scène (on a un peu trop tendance dénigrer l’orchestre et son chef qui, pour le coup, ont fait du mieux qu’ils pouvaient) et se perd dans une assise rythmique non maîtrisée. Le second mouvement tient une meilleure projection, notamment dans le rapport soliste/chef. Malgré tout, le candidat manque d’écoute avec un résultat peu homogène. Le finale, robuste et nerveux, manque de dynamiques et d’énergie. La justesse, principalement dans les aigus, en pâtit, et plusieurs accidents surviennent. Préférant jouer à toute puissance, le candidat se précipite dans le discours et n’anticipe pas les nombreux passages techniques, peu aboutis ici. Un Sibelius quelque peu épique donc.

© Bruno Vessier
© Bruno Vessier

Après la pause, place au candidat américain né en 1992, William Hagen. L’affiche nous emballe rapidement : études à la Julliard School (Itzhak Perlman), 2e Prix au Concours International Fritz Kreisler, rencontres avec Placido Domigno, Menahem Pressler et de nombreux orchestres…
Dès le début de l’œuvre imposée, l’auditeur perçoit un candidat à l’aise, confiant et en dialogue permanent avec l’orchestre. Tempo plus rapide, discours clair, dynamiques précises. Le finaliste insuffle à l’œuvre une ambiance « acérée » et ne lâche rien, tant dans les passages dynamiques que dans les moments plus méditatifs.
En seconde partie, on le retrouve logiquement dans le Concerto en ré majeur de Tchaïkovski, dont on fête les 175 ans de sa naissance cette année. Malgré quelques accrocs et soucis de justesse dans les aigus, l’interprétation du finaliste reste remarquable pour son jeune âge : jeu brillant (un peu dur dans les aigus), précis, beau, conduit, compris et naturel. Le premier mouvement marque surtout un dialogue plus précis entre le soliste et Marin Alsop, créant un ensemble homogène et fluide. La cadence est rudement bien menée avant un retour de l’orchestre marqué par la douceur des vents. Hagen engage un travail sérieux sur la forme et sur la construction des phrases imposant de fait quelques soucis techniques. Mais que privilégier ? La musique ou la technique ? Le second mouvement est en tous points remarquable par le son produit par le finaliste où l’auditeur est vite immergé dans une ambiance incroyablement douce et envoûtante. Belle communion entre le soliste et l’orchestre, sur la même ligne avant le très animé troisième mouvement. Un plaisir partagé entre les artistes confère à l’œuvre de Tchaïkovski une lecture éclairée et intelligente. Le finaliste ne s’abandonne pas dans une interprétation simple ou vulgaire mais tient au contraire à sublimer le moindre passage. Malgré quelques très légers accidents vite pardonnés, William Hagen termine sa prestation devant un public débout, ça ne trompe pas.
Ayrton Desimpelaere
Bruxelles, Bozar le 28 mai 2015

Les commentaires sont clos.