Beethoven à Amsterdam 

par

Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Intégrale des symphonies. Roberta Alexander, soprano ; Jard van Nes, mezzo-soprano ; Horst Laubenthal, ténor ; Leonard Mroz, basse. Choir of the Concertgebouworkest, Royal Concertgebouw Orchestra Amsterdam, David Zinman (n°1), Leonard Bernstein (n°2), Nikolaus Harnoncourt (n°3), Herbert Blomstedt (n°4), Mariss Jansons (n°5), Roger Norrington (n°6), Carlos Kleiber (n°7), Philippe Herreweghe (n°8) et Antal Dorati (n°9). Enregistré entre 1978 et 2010. Livret en anglais, allemand, français et néerlandais. 1 coffret de 5 CD RCO 19005. 

L’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam (RCOA), comme tous les grands orchestres européens, est foncièrement lié à l’interprétation des symphonies de Beethoven. Que ce soit sous la direction de Willem Mengelberg, Eugen Jochum, Erich Kleiber, Bernard Haitink, George Szell, Carlos Kleiber, Pierre Monteux ou Ivan Fischer, la phalange amstellodamoise a marqué l’histoire de ces partitions au disque ou en vidéo. 

Le présent coffret propose des captations de concerts des neuf symphonies enregistrées entre 1978 et 2010. Notons que sauf la Symphonie n°5 dirigée par Mariss Jansons et la Symphonie n°7 sous la baguette de Carlos Kleiber, ces interprétations ne doublonnent pas avec des albums disponibles sur le marché. Cette période est intéressante car elle correspond à une charnière entre les chefs issus de la tradition (même s’il la revisitent) et ceux venus du monde baroque ou à la recherche de l’Urtext des partitions. Dans la première catégorie, on peut classer Leonard Bernstein, Herbert Blomstedt, Mariss Jansons, Carlos Kleiber ou Antal Dorati alors que dans la seconde prennent place David Zinman (qui fut l’un des premiers chefs à graver les symphonies à partir de l’édition Urtext Barenreiter de Jonathan del Mar), Nikolaus Harnoncourt, Roger Norrington ou Philippe Herreweghe. Comme toujours, la flexibilité et l’adaptation des musiciens néerlandais est exceptionnelle, et quel que soit le style de la direction : dansante, puissante, analytique ou narrative. Notons que si aucun de ces interprètes n’a gravé d’intégrale avec le Concertgebouw d’Amsterdam (ni même d’intégrale tout court comme Carlos Kleiber), ces chefs sont tous des beethovéniens majeurs. 

Forcément, il est difficile de dégager une vision d’ensemble par la diversité des approches, mais toutes ces lectures sont magistrales. On peut placer au sommet la Symphonie n°7 gravée par Carlos Kleiber lors d’un concert capté en vidéo. Le label nous propose ici la bande-son d’une interprétation hors norme, emportée dans une transe orchestrale unique dans la discographie. Tout est ici exemplaire : le phrasé, le style, le dialogue entre les pupitres ou les dynamiques. Le dernier mouvement “Allegro con brio”, avec un orchestre chauffé à blanc, est l’un des plus grands moments de l’art orchestral. Changement d’expérience avec une Symphonie n°3 concentrée et rapide, menée par un Harnoncourt impérial et visionnaire, ou une Symphonie n°4 à la plastique fabuleuse menée par Herbert Blomstedt dyonisaque. Invité régulier du Concertgebouw, Leonard Bernstein est à la fois théâtral et dansant dans une Symphonie n°2 magique par le dialogue qu’il instaure entre les musiciens, semblant guider une improvisation collective à l’image d’un mouvement lent “larghetto” comme sorti d’un rêve chorégraphié. Choc des contrastes entre une Symphonie n°5 puissamment classique dans son traitement de la masse orchestrale et des contrastes de Mariss Jansons et la leçon musicale authentique qu’un Roger Norrington donne dans la Pastorale. En matière de didactique beethovenienne, David Zinman précis et chantant dans la Symphonie n°1, ou Philippe Herreweghe électrisant et maîtrisé dans une Symphonie n°8 tendue comme un arc, témoignent d’une vision fascinante du compositeur basée sur un respect scrupuleux du texte. 

Captée en 1985, la Symphonie n°9 sous la baguette d’Antal Dorati, compagnon de route de cet orchestre, est étonnante. Classique de ton mais puissamment dramaturgique, elle semble marquer le chemin vers un absolu d’un chef enregistré au soir d’une carrière légendaire. 

La restitution sonore est des plus satisfaisantes pour des prises de son de concert et le livret de présentation est même proposé en langue française. 

Si le beethovénien collectionneur émérite ou historien de la direction aura été gâté cette année par la remise sur le marché des intégrales Scherchen et Steinberg, ce coffret saura trouver une place sur les étagères des discothèques ou les classements des fichiers numériques. Par la variété des approches proposées, ce coffret montre plus que d’autre la puissance du message beethovénien. 

Son : 8 Livret : 10 Répertoire : 10 Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

 

 

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