Petrenko, un Tchaïkovski trop loin ?

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Piotr Illych Tchaïkovski (1840-1890) : Symphonie n°6 en si mineur, Op.74 “Pathétique”. Berliner Philharmoniker, Kirill Petrenko. 201è-Livret en anglais et allemand-44’07’’

Avec ce disque, l’Orchestre Philharmonique de Berlin passe un cap et doit négocier un tournant. Dans notre éditorial  de ce mois, nous évoquions les défis qui attendent la phalange berlinoise pour construire une notoriété à son nouveau chef : le génial mais très discret Kirill Petrenko.

Dès lors le label de l’orchestre, auparavant réservé à de beaux objets de collectionneurs, se lance dans l’édition d’un album centré sur une oeuvre mais toujours avec un packaging de très grand luxe. Ce disque est consacré à la célèbre Symphonie pathétique de Tchaïkovski, proposée sans complément(s) ! Ce qui est assez pour un album digital mais peu pour un support physique.

Enregistré en 2017, ce concert était le premier du chef russe après sa désignation comme directeur musical de l’orchestre. Autant dire que l’attente était immense alors que la dernière apparition de Petrenko au pupitre des Berlinois remontait à 2012 ! Dans son répertoire “naturel”, ce concert déçoit quelque peu ! Certes on admire la maîtrise des flux musicaux, la beauté des nuances et la gestion des transitions, en particulier dans le premier mouvement, avec ce travail exemplaire sur la fluidité et le naturel de la palette sonore. Mais on regrette une raideur dans les épisodes fortissimos comme si le chef, voulant appuyer les contrastes, faisait trop vrombir la puissance de la machine berlinoise. À ce titre, le pimpant “Allegro molto vivace” sonne “germanique” et s’avère aussi trop raide. L’Allegro con grazia est quant à lui un modèle de style et d’élégance alors que l’Adagio lamentoso conclusif s’écoule avec douleur et beauté des timbres. Au final, cette interprétation fait un peu “à la Rattle” avec une “sur-sollicitation” du texte qui nuit à la cohérence d’ensemble.

Bien que superbement enregistré, ce concert peine à s’imposer dans un contexte pléthorique. Même sur le créneau des lectures des années 2010, Petrenko doit s’effacer devant Philippe Jordan (Wiener Symphoniker) qui défend une optique “suisse” allégée et sans matière grasse, Vladimir Jurowski (LPO) philologiquement parfait ou même Andris Nelsons au pupitre du CBSO (Orfeo) ou en vidéo à Leipzig (Accentus).

En dépit de cette déception, il va sans dire que Petrenko est un musicien et un chef hors normes, mais cette “Pathétique” qui devait faire forte impression au concert arrive sans doute trop tôt dans la relation entre le chef et son orchestre, comme si la tension et les attentes étaient trop grandes des deux côtés.

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 8

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